Côté cour… côté jardin…

Le lourd rideau de scène venait de baisser sur deux ans de représentations.

Juliette jeta un œil sur la salle. Les derniers spectateurs se dirigeaient vers la sortie, avec la hâte des gens déjà repris par la réalité de leur quotidien.
Juliette aurait aimé connaître leur ressenti ; s’ils avaient aimé la pièce.

Il avait fallu un certain culot à ce dramaturge, metteur en scène des temps modernes, pour avoir revisité  » Les Liaisons dangereuses » ce fameux roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos, puis à l’adapter au théâtre.

À pénétrer ainsi le personnage de Madame de Tourvel deux ans durant, Juliette avait fini par oublier Juliette.

Elle revenait troublée de ces représentations où le vicomte clame son Amour.

Prise dans le jeu, elle prenait goût petit à petit à s’abandonner au personnage. Juliette se retrouvait bien dans ce rôle de femme vertueuse, refusant toute avance, mais qui pensant avoir une influence favorable sur Valmont, finit par en tomber amoureuse.

L’âme n’est jamais aussi pure que dans la passion.
N’est pas libertine qui veut.
Il ne suffit pas d’endosser un costume de scène pour que la fiction devienne réalité.

Juliette, attendrie, regarda son coéquipier, celui qui lui donnait la réplique depuis maintenant deux ans.

« Ce n’est pas ma faute  » lui dit il dans un sourire.
Puis il l’embrassa.

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Dans le froissé des voiles

Loin des terres et des mers
Qui bordent toute vie
L’esprit en bandoulière
Traverser l’éphémère
Caresser l’infini
Naviguer dans le rien
Se vider du trop plein
De l’au-delà des mots
Et de ces oripeaux
Qui encombrent les âmes
Aux contours de l’immense
Suivre des yeux l’étoile
Écouter le silence
Dans le froissé des voiles
Où se déplie le temps

Pour que plus jamais

Pour que plus jamais… dans son monde à Elle :

Deux âmes s’éloignent l’une de l’autre faute de n’avoir pas su se comprendre, se parler, se rencontrer…

Deux corps ne puissent embrasser leur chaleur, la douceur du toucher, la magie du regard, le partage des rires et des silences, l’appel du désir…

Deux esprits non soumis aux mêmes apprentissages, au vécu dissemblable, au regard différent sur le monde, ne croisent un même chemin…

Deux voiliers ne voguent plus l’un vers l’autre sous la contrainte de vents contraires.

La conscience d’être

Nous n’avons pas toujours conscience d’être ; exister semble nous suffire.
Leurre.
Nous avançons avec nos acquis, nos valeurs, sans être vraiment à l’écoute de nos désirs profonds.
Le temps nous hâte, nous presse. La vie passe…
Nous oublions nos rêves, nos envolées célestes.
Même les plus ailés finissent par toucher terre.

Faut-il que les événements nous dépassent pour que nous prenions le temps d’un arrêt, d’une introspection, de l’exploration du soi ?
Un état des lieux à l’instant T.

Le principe de l’exploration, de toute évidence est que l’on ne sait pas ce que l’on va découvrir.

« Le soleil se lève, le soleil se couche, il soupire après l’endroit d’où il se lève de nouveau.
Le vent se dirige vers le sud, tourne vers le nord, puis il tourne encore et reprend les mêmes circuits.
Tous les fleuves vont à la mer, mais la mer n’est pas remplie et ils continuent d’aller vers leur destination.
Tout est en mouvement, plus qu’on ne peut le dire. L’œil ne sera jamais rassasié de voir et l’oreille ne sera jamais remplie au point de ne plus pouvoir écouter. »

L’Ecclésiaste

Ouvrons la parenthèse. Prenons le temps de la remplir, sans détours.
Les valises déposées, ce qui reste du chemin paraît plus léger.

Julie se trouvait être dans cet espace non encore clos de la parenthèse.

Impossible de reculer sans soi-même s’effacer, disparaître.

C’est l’inconnu qui fait peur, qui désarçonne, fait douter, pose question.
Mais c’est l’inconnu qui contient tous les possibles, les ouverts, les horizons infinis.

Le petit enfant le sait bien, lui qui avance de découverte en découverte.
Il n’y a pas d’émerveillement sans confrontation au réel.

« La peur n’évite pas le danger, le courage non plus. Mais la peur rend faible, et le courage rend fort. »
Misha Defonseca

Se sont les trous noirs qui absorbent le plus de lumière.

Si nous n’avions qu’une seule chose à garder de l’enfance, c’est cette capacité à l’émerveillement.

Les enfants rêvent leur réel.
Ils s’inventent, se construisent, tout en édifiant un monde à eux, unique, dont ils sont les seuls à posséder la clef.

Pourquoi perdrions-nous cette faculté une fois passée l’enfance ?

Tant que Julie se trouvera être dans la parenthèse, elle gardera bien serrée dans sa main la clef qui déverrouille les peurs, ouvre la porte au rêve.

Pour que jamais, dans son monde à elle, à l’écoute de son désir…

… deux voiliers ne voguent plus l’un vers l’autre sous la contrainte de vents contraires.

Ne me réveillez pas !

Ne me réveillez pas ! Je veux la longue nuit
Voyez ! Je n’ai plus peur de ses consolations
Ni de l’incomplétude où paissent nos passions
De la fosse creusée par ma mélancolie
Au-delà des nuées, des plaines de l’éther
Quelques plaintes échappées du berceau de la terre
Se brisent au doux heurtoir du silence infini.




Dans la tiédeur d’une pluie d’automne

 


« À son pas de lieuse de gerbes s’en va la vie sans haine ni rançon. »
Saint-John Perse

 

Le temps avait fini par s’écouler dans la tiédeur d’une pluie d’automne.
En suspens l’essaim du souvenir emprisonnait les couleurs de l’été.

De douceur sera fait l’avenir…

Remettre à demain… Le soir tombe déjà. Bientôt elle ne verra plus au dehors, les rêves rempliront tout l’espace.

Inutile de tenter remonter le temps comme on recule les aiguilles de l’horloge qui a pris de l’avance.
Ce qui est passé ne se rattrape plus.

Quand la pluie cessera, un vent tout doux comme un sourire transportera avec lui un peu de bleu, de ce bleu qui ne craint ni le nuage ni le soleil trop ardent.

🌸

J’ai rêvé d’un Amour aux aurores légères
Qui ne craindrait du jour un soleil trop ardent
J’ai rêvé d’un Amour sans griefs ni chimères
Un amour résistant à l’épreuve du temps.

🌸

Il est tellement plus facile d’être perdant que gagnant. À l’échéance, la vie perd la partie.

L’enfance en est innocente. Là est le secret
de ses réussites, de la joie qui soulève les ambitions jusqu’au sommet.

Il faut à l’adulte un grand bonheur pour vivre cet état une fois passée l’insouciante enfance.
Il en découle un sentiment intense d’être pleinement vivant ; ce qui ne laisse aucune place à l’idée de la mort.

C’est peut-être dans cet intervalle d’illusions que se jouent les possibles.

 

.

 

 

 

 

De la force de l’imaginaire

 » L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. »
René Char


Une petite lumière perce de derrière la vitre.
L’impossible, l’inatteignable, l’insaisissable, l’insondable, et alors ?

De l’illusion lucide faire une réalité.

Le rêve à portée de main, de sa force de persuasion sur l’esprit.
Ouvre la fenêtre, ne crains pas son souffle. C’est un baume, une caresse, quelques traces d’étoiles que l’impossible laisse dans ton ciel.
Reflet imaginaire, nuage évanescent échappé du réel ou lueur initiale ?

Il importe !

Le vide est fait pour être rempli. Qu’importe la matière utilisée.

Tant que l’illusion perdurera, elle se frayera un chemin dans le réel., elle l’embellira de mille nuances.

Marie ne fuyait pas la réalité, elle la contournait, la revêtait avec ses propres couleurs.

Pigments de feu, brume de chaleur aux cristaux de glace ou brumes d’encens du poète Valéry…

L’important n’est-il pas que la vie scintille comme le fait l’horizon pris dans l’étau crépusculaire.