Le lourd rideau de scène venait de baisser sur deux ans de représentations.
Juliette jeta un œil sur la salle. Les derniers spectateurs se dirigeaient vers la sortie, avec la hâte des gens déjà repris par la réalité de leur quotidien.
Juliette aurait aimé connaître leur ressenti ; s’ils avaient aimé la pièce.
Il avait fallu un certain culot à ce dramaturge, metteur en scène des temps modernes, pour avoir revisité » Les Liaisons dangereuses » ce fameux roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos, puis à l’adapter au théâtre.
À pénétrer ainsi le personnage de Madame de Tourvel deux ans durant, Juliette avait fini par oublier Juliette.
Elle revenait troublée de ces représentations où le vicomte clame son Amour.
Prise dans le jeu, elle prenait goût petit à petit à s’abandonner au personnage. Juliette se retrouvait bien dans ce rôle de femme vertueuse, refusant toute avance, mais qui pensant avoir une influence favorable sur Valmont, finit par en tomber amoureuse.
L’âme n’est jamais aussi pure que dans la passion.
N’est pas libertine qui veut.
Il ne suffit pas d’endosser un costume de scène pour que la fiction devienne réalité.
Juliette, attendrie, regarda son coéquipier, celui qui lui donnait la réplique depuis maintenant deux ans.
« Ce n’est pas ma faute » lui dit il dans un sourire.
Puis il l’embrassa.