La joie encore…

Il faut rabâcher
Mastiquer
Sa joie
Comme on le fait
Des chagrins
Jusqu’à ce que
La sève du cœur
Se mêle
À la salive
Des mots.

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La joie !

Le souvenir de la joie est encore de la joie.

Est-il nécessaire de tenter la décrire ?

Tant elle est personnelle, secrète au cœur de chacun.
Elle qui embellit le cœur, l’agrandit, l’allège tout en le renforçant.

Comme une caresse sur de la soie froissée.

En déposant cet au-delà des mots où germent les plus purs silences, ne risquerions-nous pas d’en amoindrir la substance ?
D’en décharger la sève nourricière ?

Une tentative entre les lignes, à la marge.
Un sous-entendu, une hésitation…
Complice est la page blanche, vierge, intacte de toute intrusion.
Quelques points en suspens peut-être pour donner du temps au temps, interroger les miroirs.
La page blanche. L’amie, la confidente, celle qui sait et ne dit rien.
Ici seule une petite musique laisse échapper quelques notes.

Pourtant ne pas faire de cette joie un autre tombeau.

Tout ou n’importe quoi pourrait tracer son sillon d’encre, ternir la page, la salir.

Tristesse et malheur trouvent leur support.
Les mots s’invitent, demandent à être déposés. La page finit par absorber un peu de ce cri dans l’écrit.

Mais la joie ! L’immense joie ! L’indescriptible !
Celle qui nous transporte, nous rend plus légère. Qui se montre à nous en habit soleil même les jours de pluie.

Alors sur cette page…
Il faudrait pouvoir mettre du blanc sur du blanc. Trouver les mots qui n’entachent pas, pour que tout reste beau, pur, immaculé.
Pour ne pas se signer autrement qu’à la plume de cygne.

Même si garder la joie, quand elle ne tient pas de notre seule aptitude à l’engendrer, reste un petit miracle.

Le temps

Le temps comme une pluie s’écoule tout de gris
En m’éloignant de vous me ramène vers lui
Les plaisirs ne sont plus à l’ordre de mes jours
Et mes rêves sont seuls à me parler d’amour.


Aussi même le jour en recherche de nuit
Fuyant le gai soleil j’aveugle mon esprit
Il faut jeter un sort sur les temps à venir
Pour garder les trésors chers à nos souvenirs.


Si de franchir le seuil il n’est pas parvenu
De cet amour, le deuil, ne sera pas vécu
La chambre des regrets restera entrouverte
Pour du cœur les secrets à l’esprit n’avoir perte.


Je ne sais plus très bien quand vous êtes venu
Vous blottir en mon sein tel un enfant perdu
Comme à la mort l’amour au temps singe l’effet
De pouvoir peser lourd bien qu’étant effacé.

L’automne était bien là



« Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant « 

Aragon


Adélaïde n’en revient toujours pas, mais fallait-il en revenir…
On ne revient jamais de rien à l’identique.

Il suffit de faire comme nous avons toujours fait pour que rien ne change, rien ne bouge.
Les habitudes comme support, comme refuge.

Pour supporter, on embellit, on habille à la hauteur de son désir, ou l’on supporte plus ou moins, comme on endosserait un vêtement pas vraiment à sa taille.

Le rien et le tout, l’immense et l’infime, le commencement et la fin.

Il est de ces croisements imprévus que le temps parfois nous réserve, reliant les événements et les êtres entre eux.

Le réel a besoin du rêve pour se révéler réel.

Adélaïde pense que le pouvoir de l’esprit est supérieur à celui de la matière et que l’on peut transformer les choses, les plier, les contraindre.
Dualisme du corps et de l’esprit, mais lien sensible, irréfutable entre eux.

– Je peux créer joie ou déplaisir sur mon corps juste par le vouloir de mon esprit.
La transcendance devient alors possible, l’amour oblatif également mettant de côté les exigences, l’ambivalence du corps.

L’automne était bien là.

Toute la légèreté de l’été venait de virer du bleu dans le vert et de l’or au brun.
S’il suffisait de la pensée pour créer sa réalité, Adélaïde se garderait de l’hiver en se transportant, elle et son rêve, dans un éternel été, qui de fait, n’aurait pas besoin de se renouveler.
Cette rencontre sans la vue, le toucher, sans l’odeur de l’autre, Adélaïde l’avait imaginée, portée du rêve jusqu’aux portes du réel.
Le rêve d’Adélaïde avait l’éclat du soleil, la douceur d’un soir d’été s’étirant doucement sur la nuit.

On n’aime jamais autant l’automne, son flamboiement, que lorsque la vie vous donne assez de bleu pour trancher sur les bruns.

Puisqu’ils ne s’aiment plus ils vont pouvoir enfin s’aimer.

Les leurres ont leur raison d’être.
La vie en est un merveilleux.






En lisant  » Pour un tombeau d’Anatole »

Quelques mots, un ressenti. Aucune interprétation qui serait malvenue.

La révélation
L’impossible
Consolation

Maladie

Seul l’enfant
Indemne du savoir
Le cri de la mère
La stupeur du père
De ce qui n’est déjà plus la vie
Sans pourtant être la mort

Survie

Le garder
Le plus longtemps
Tout en sachant
L’inéluctable
Lui donner notre force
Lui ôter de sa mort
Par l’espoir chevillé au corps.

*
Vainqueur
Avant l’heure
En sa chair
Le néant
S’immisce
S’invite
Doucement
Irrémédiablement
Insuffle
Son sépulcre
Non pas
Pour en extraire
La vie
Mais
Pour la pénétrer.

Au sortir de la nuit… Tu as pris le levant

Ton âme a revêtu le costume du vent
Combien de vie terrestre à ce jour, maintenant…
De ce corps affligé d’un trop lourd vêtement
Au sortir de la nuit tu as pris le levant.

Ton âme a revêtu le costume du vent
Du mystère impalpable et tour à tour glissant
Dans une mélodie, un sourire d’enfant
Au sortir de la nuit… Tu as pris le levant.

Ton âme a revêtu le costume du vent
De la plume aérienne à mes pieds déposée
Au chant d’un violon… Adagio sublimé
Au sortir de la nuit… Tu as pris le levant.

Quand au drapé du ciel, aux frais nuages blancs
Tes ailes façonnées, papillon transparent
Une ombre sur ma peau se pare de lumière
Recouvre le néant, la nuit et son mystère.

Ton âme a revêtu le costume du vent
Elle a pris son envol, son cri et son élan
Me revient par ta voix la vie en mouvement
Au sortir de la nuit… Tu as pris le levant.