D’or le sable des grèves Sépia l’intissé des chagrins Avant qu’un monde sans couleur Emprisonne les bleus Glisser sur le merveilleux Les rêves de cobalt Instruisent les poètes À y tremper leurs plumes Leurs archets, leurs pinceaux L’iris de leurs yeux En a gardé la trace.
Me revient de lui Me revient de toi L’amie de toujours L’éclat des jours heureux
Sans atteindre hélas Encore moins recouvrir La peine immense Incompressible De la perte De l’être cher Et quand cet être Est l’enfant Celui que l’on a chéri Bien avant sa venue Et que l’on a tenu Et bercé sur son cœur Celui qui dessinait De sens notre chemin Sans lequel l’avenir N’est plus qu’un jour sans fin Toi ! Amie dans la peine Sœur dans le chagrin Je voudrais ôter De ton cœur ce glaive.
Peut-être tu me dirais : » Mais ce n’est pas ta mort ! «
Comme pour me décourager de me glisser dans la tienne.
Savoir de la mort de son vivant, n’est pas un privilège. Pas plus qu’être confronté à penser l’impensable. Cela n’arrive pas chez tous les endeuillés ni pour n’importe quel deuil.
Pour cela il faut que le deuil soit contre nature, comme celui qui touche un être dans sa jeunesse, ou la perte d’un enfant. Avec cette disparition le parent endeuillé perd une partie de lui-même.
Se perdre dans l’innommable, l’inachevé, l’incomplétude.
Irréversible douleur !
Nous tenons à distance la réalité de la mort tant que ce n’est pas elle qui nous tient, qui nous tend son miroir.
Les espaces vides s’occupent à se combler.
Cette part perdue de nous-même qui rejoint le disparu, l’investit, c’est encore tendre à lui donner de la vie. Mystérieuse union.
Il lui faudra ouvrir cette fosse par l’écriture ou autrement, creuser davantage le trou, y glisser ce rien qui contient le tout.
Écrire la disparition ne suffit pas à lui donner corps ou alléger la souffrance.
L’impossibilité du dire frissonne derrière chaque phrase.
Cette écriture-là ne peut s’achever, elle se doit de rester l’inachevée, de devenir aussi errante que celui auquel elle est destinée.
Derrière la vitre il y a le monde Derrière la vitre il y a mon destin Derrière la vitre il y a ce que je ne veux pas voir plus voir Derrière la vitre il y a la réel…
C’est pourquoi je reste Comme une enfant Le front collé au carreau
Tout est là À la tangente Du souvenir et de l’oubli Point minuscule Et immense Parfois éclipsé Le temps d’une lune Ou de deux ou de mille Parfois émergé À la vertical Des sommets et des abrupts Au rapprochement des lointains.
Tout est là À la tangente Du souvenir et de l’oubli L’insaisissable Perdu dans le vaste Horizon qui s’échappe Ou S’attarde Le temps d’un soupir Brassant un air devenu plus léger.