Le temps ! Peux-tu le devancer ?

Léthargie de la pensée, repos du corps, calme de l’esprit ; être là et peut-être déjà dans un ailleurs. Expansion de l’être dans cet état entre veille et sommeil.

Le silence est un passeur. C’est par lui que la pensée (une fois coupée du raisonnement) voyage, prend son essor, son indépendance. C’est l’instant où passé, présent, futur s’entremêlent, s’entrechoquent, où les labyrinthes côtoient les chemins de traverse.
Les images s’imposent avant de passer sans se fixer. Souvenirs lointains, proches, aucune règle temporale à suivre. Ici le temps n’est plus linéaire. Précision de l’image, flash de l’instant important ou si banal qu’on en soit tout étonné. Tout resterait donc en mémoire : des plus importantes aux plus petites choses ? En spectatrice je les regarde se former, ces images, puis s’évanouir, s’évaporer.

Un homme marche vers moi, je le connais sans le connaître. Il reste dans l’ombre d’une vie plus ancienne ou peut-être dans celle non encore révélée.
Rêve et réalité se chevauchent, forçant un passage au présent.

Le temps casse sa flèche, passe de linéaire, à cyclique, puis recompose linéaire et cyclique en spirale.

Dans ce no man’s land coexistent illusions et réalités, vies antérieures et vies futures.


Vois ce point là-bas
là où l’horizon se perd
c’est moi qui t’attends

 

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Le temps comme une pluie

Le temps comme une pluie s’écoule tout de gris
En m’éloignant de vous me ramène vers lui
Les plaisirs ne sont plus à l’ordre de mes jours
Et mes rêves sont seuls à me parler d’amour.


Aussi même le jour en recherche de nuit
Fuyant le gai soleil j’aveugle mon esprit
Il faut jeter un sort sur les temps à venir
Pour garder les trésors chers à nos souvenirs.


Si de franchir le seuil il n’est pas parvenu
De cet amour, le deuil, ne sera pas vécu
La chambre des regrets restera entrouverte
Pour du cœur les secrets à l’esprit n’avoir perte.


Je ne sais plus très bien quand vous êtes venu
Vous blottir en mon sein tel un enfant perdu
Comme à la mort l’amour au temps singe l’effet
De pouvoir peser lourd bien qu’étant effacé.

Aimer ! C’est glisser quelques fils d’éternité dans le rouet de la mort

« Et toi mon cœur pourquoi bas-tu
Comme un guetteur mélancolique
J’observe la nuit et la mort « 

Guillaume Apollinaire

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La mélancolie
Ce baiser
De la nuit
Au jour

*****

Il suffit pourtant d’avoir été un jour, une heure, une personne importante pour une autre, pour que ce jour et cette heure rejoignent l’éternité.

En faire un bouclier, un sas protecteur, un infini dans le fini, une porte qui ouvre sur la vie.
Un manteau printanier aux heures les plus sombres.
Savoir recevoir est un acte d’amour.

Aimer ! C’est glisser quelques fils d’éternité dans le rouet de la mort.
Avoir été aimé suffit à en confectionner un habit de lumière.


« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. » Lamartine

Ce vers connu, presque galvaudé, x fois utilisé pour dire le manque, si limpide et grandiose de par son apparente simplicité, qu’il en paraît presque banal. C’est pourtant celui que nous aurions aimé trouver, écrire, tant il est universel quand il parle à notre être profond, à notre sensibilité.

Écrire sur le manque c’est plonger en apnée dans les profondeurs de l’âme humaine.
C’est réinitialiser les peurs enfantines, les premiers abandons.
C’est descendre loin dans l’intime, l’inavoué, rouvrir la blessure cachée, secrète.
Écrire sur le manque c’est raviver tous les autres manques, les confondre en un seul devenu monstrueux, gigantesque.
C’est le temps des vives eaux au ressac violent, de la vague soulevant départs et abandons pour les ramener toujours plus près du rivage absence.

La vie réelle, la vie rêvée

Au dehors ils disent  » la vraie vie », quand la seule réelle est celle que nous vivons. Qu’importe qu’elle soit rêvée, déviée des trajectoires conventionnellement acceptables, autorisées ? La seule vraie vie est celle qui nous concerne, qui nous appartient.

Un lendemain de printemps. Un petit air frais au matin. Rien n’a bougé, tout a changé.
Ce n’est plus l’hiver, mais cela ne se remarque pas sur les choses.
Au jardin c’est à peine si certaines pousses s’en sont fait la remarque, encore bien à l’abri sous le manteau. Seules les non frileuses, les robustes, ont tenté une sortie.

Ce dernier hiver, dans notre belle Normandie, il n’a pas neigé. Le sol n’a pas profité de cet engrais naturel.

Ainsi donc ce qui brûle en surface, isole, peut aussi renforcer.

Hier c’était le premier jour de printemps et le jour d’avant c’était encore l’hiver. Le changement n’a fait aucun bruit.

Rien n’a bougé, tout a changé.

Chez moi aussi, chez moi non plus…
La vie réelle, la vie rêvée…

Bien sûr

Bien sûr, vous ne pouviez rien faire
Bien sûr, ma cause était perdue
Rien ! ni suppliques, ni prières
Ne peuvent en or changer le fer
Il faut un vainqueur, un vaincu
Qui a gagné, qui a perdu ?
Cela aussi reste un mystère
À voyager en plein transfert
On ne sait plus si le brouillard
Est dans la tête ou dans les phares
Maintenant que l’eau a coulé
Sans que le cœur ne soit noyé
Il pleure beau sur mon chagrin
Quand il est mêlé de lumière
Le rideau formé du crachin
Semble sortir du réverbère
Et l’illusion a ses raisons
D’avoir à servir nos passions