
« Rien ne passe après tout si ce n’est le passant [ ]
C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre »
Louis Aragon
Enfant, pour s’endormir, elle se défendait de l’idée de la mort bec et ongles.
« Ils »(entendez dans ce ils les plus grands savants), trouveront bien un moyen de rendre la vie éternelle.
Elle était encore si petite que les semaines comptaient pour des mois et les mois pour des années. D’ailleurs, pensait-elle, seules les personnes très vieilles, au visage ématié recouvert de ces petites rigoles qui retiennent si bien les chagrins, aux mains noueuses, s’endorment un matin pour toujours.
Avec le temps, les premiers deuils familiaux, la pensée magique avait fini par se perdre au réel, et avec ce réel si présent, parfois pesant, la crainte de la mort qui revient telle l’ombre suit le corps quand le soleil n’est plus au zénith.
Ne plus avoir peur de la mort, c’est comme rouler en roues libres, sans freins, cheveux au vent. C’est avoir quinze ans.
C’est vivre plus intensément, plus légèrement aussi. C’est respirer mieux et plus profond.
La pulsion de vie est si proche de celle de la mort ( intrinsèquement mêlées dans leur essence), que la bascule peut se faire en échappant à l’analyse, au raisonnement.
Ne plus avoir peur de la mort c’est donc aussi prendre le risque de sauter dedans avant l’heure, par fragilité, par abandon de n’avoir pas su s’abandonner à la vie telle qu’elle s’offre à nous, rythmée par son balancier sur nos jours, oscillant entre joies et chagrins, frustrations et satisfactions.
Et puis il y a la guerre avec la pulsion de vie plus forte que toutes les névroses réunies.