Mon souffle, mon apnée

Vibrations invisibles
Portées par tant de voix
Qui nous parlent d’un monde
Que nous ne savons pas

*
Notre royaume est fait
De baumes et d’ivresses
De douleurs et de joies
Sur des chairs éphémères

*
Ondes universelles
Briques de l’infini
Qui caressez nos vies
Comme pluie sur du verre

*
Mon souffle, mon apnée
Pour quelle destinée
Mon esprit est coiffé
Que mon corps ne sait pas.

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Qu’est-ce que c’est bien quand il ne se passe rien ou les vertus de l’ennui.

Nous pensons être des éponges, mais c’est la vie qui nous absorbe.

Qu’est-ce que c’est bien quand il ne se passe rien.

Une parenthèse, un statu-quo, un arrêt sur image ; plus rien ne bouge, ni en dehors ni au dedans.

L’ennui n’est pas une absence à soi, un manquement au choses du quotidien, une paresse.

Un banc. S’y asseoir et laisser venir l’ennui. Pas de cet ennui qui pèse sur l’esprit, mais celui d’où viendra un nouvel l’élan, la construction d’autre chose peut-être.

C’est cela l’ennui, une étendue de neige formée pendant la nuit et qui serait encore vierge au matin, où ne pourraient s’y tenir pour nouvelles marques que des idées neuves.

Combien viendraient ainsi l’habiter, cherchant leur propre souffle sous sa respiration ?

L’ennui est à lui seul une petite psychanalyse ; une même ombre en retrait écoute sans intervenir : les réponses sont en toi, il te suffit juste d’aller les chercher.

Les idées finiront bien par arriver.

Pas question de t’en remettre aux autres, de te laisser guider par la main, de te soumettre au nombre. Pas question non plus, pour te protéger, de monter des barricades, de construire des murs ; l’ennui est un assez bon isolant quand il se lie à la solitude.

Ose ce que tu peux changer, abandonne tout le reste…

L’ennui est un instant de grâce qui ne peut exister que dans certains moments privilégiés de ta vie. Il arrive et s’installe quand rien ne se passe de trop heureux ou au contraire de tragique. L’ennui est un luxe, une échappatoire à l’agitation incessante d’un monde qui parle avant de penser, qui voudrait être avant d’exister.

Quand Noël approche et que plus d’une place à table restera vide.

On dit « il est parti » comme pour le retenir encore un peu en laissant planer un doute.

On dit « il est parti » comme si la mort n’était pas l’irrémédiable trahison de la vie.

On dit « il est parti » et on se met à rêver qu’il soit de ces oiseaux migrateurs en quête de sud.

On dit « il est parti » parce que ça laisse la porte ouverte à une errance, un égarement, à un possible retour.

Ce fil si tenu du « il est parti » que l’on tend, ce leurre, on le voudrait élastique afin de l’étirer le plus possible, le plus loin, le plus longtemps pour entrer dans la mort avec encore un peu de vie.

Laisser la porte, pour un temps, entrebâillée entre deux mondes. Le courant d’air, le va-et-vient d’énergie nous envelopper, nous confondre.


L’écriture me tend sa main silencieuse.
J’ai pensé : si je n’écris pas tout de suite, le pourrais-je encore demain ? La mort doit-elle, en nous retirant l’être cher, nous tenir serrer tout proche d’elle telle une amante jalouse ?

Tu étais si fort…
Et hier encore
On te croyait invincible
Toi, le patriarche.

Tu étais si fort…
Comment cela pouvait-il rimer avec mort.

Mon père.

Nous finirons passeurs à défaut de gardiens

Quand tout nous est donné nous ne possédons rien

Nous finirons passeurs à défaut de gardiens

Le brin d’herbe reçoit humblement la lumière

La même fait danser l’Esprit de la rivière

Le réel se construit de toutes nos images

Autant que de ces cieux où courent les nuages

Soyons humbles il est bon d’accepter la magie

Le mystère s’écrit à la sève de vie

Nous sommes les petits de ce qui nous dépasse

Nous apprenons autant de la rose au matin

Que de l’oiseau chanteur entamant son quatrain.

Remplir les espaces… et un peu de nos vies.

À remplir les espaces
Nous nous ingénions
Grande est notre impatience
À mêler notre haleine
Au souffle des lointains
Le Graal est à ciel ouvert
Mais nous ne savons plus
Comment boire à sa coupe
Sans y tremper des lèvres
Assoiffées de paroles
Quand c’est par l’indicible
Que le mythique vase
Ouvre sur les délices
Notre appétit est grand
Mais notre temps est limité
Et de notre passage
Nous ne laisserons
Au mieux
Qu’un peu de sable
Qui retournera à la mer.

À l’immortelle Bien-aimée. Mon ange, mon tout, mon moi. Ludwig van Beethoven

 » Le 6 juillet au matin.

Mon ange, mon tout, mon moi — quelques mots seulement aujourd’hui, et au crayon (le tien) — Ce n’est pas avant demain que mon logement sera définitivement arrêté — Quelle misérable perte de temps pour de telles choses. Pourquoi ce profond chagrin alors que la nécessité parle ? Notre amour peut-il exister autrement que par des sacrifices, par l’obligation de ne pas tout demander ? Peux-tu faire autrement que tu ne sois pas toute à moi et moi à toi ? — Ah ! Dieu, contemple la belle nature et tranquillise les esprits sur ce qui doit être — L’amour exige tout, et de plein droit, ainsi en est-il de moi avec toi, de toi avec moi. Mais tu oublies si facilement que je dois vivre pour moi et pour toi ; si nous étions complètement réunis, tu éprouverais aussi peu que moi cette souffrance. — Mon voyage a été terrible ! Je ne suis arrivé ici qu’hier à quatre heures du matin ! Comme on manquait de chevaux, la poste a pris une autre route, mais quel chemin épouvantable ! A l’avant-dernier relais, on me conseilla de ne pas voyager de nuit — on me parla, pour m’effrayer, d’une forêt à traverser, mais cela n’a fait que m’exciter, et j’ai eu tort, la voiture aurait dû se briser dans ce terrible chemin, simple chemin de terre défoncé — sans des postillons comme ceux que j’avais, je serais resté en route. Estherazy, par l’autre chemin, le chemin habituel, a subi le même sort, avec huit chevaux, que moi avec quatre — pourtant j’ai éprouvé un certain plaisir, comme toujours quand j’ai heureusement surmonté un obstacle. — A présent passons vite de choses extérieures à des choses intérieures ! Nous nous reverrons sans doute bientôt, aussi aujourd’hui je ne peux te faire part des considérations que j’ai faites sur ma vie pendant ces quelques jours — si nos cœurs étaient toujours serrés l’un contre l’autre, je n’en ferais pas de pareilles. Le cœur est plein de tant de choses à te dire — Ah ! Il y a des moments où je trouve que la parole n’est absolument rien encore — courage — reste mon fidèle, mon unique trésor, mon tout, comme moi pour toi ; quant au reste, les dieux décideront de ce qui doit être et de ce qui adviendra pour nous. »


Ton fidèle Ludwig.

Ludwig van Beethoven

Bon matin le 7 juillet –


« Déjà du lit mes idées se pressent vers toi mon immortelle bien-aimée, de temps en temps joyeuses, puis de nouveau tristes, attendant du destin de savoir s’il nous écoutera – vivre je ne le puis que totalement avec toi ou pas du tout,

oui, j’ai décidé d’errer au loin jusqu’à ce que je puisse voler dans tes bras et me dire chez moi auprès de toi, que je puisse envoyer mon âme tout entourée de toi dans le Royaume des esprits – oui hélas cela doit être – tu le comprendras d’autant mieux que tu connais ma fidélité envers toi, jamais une autre ne pourra posséder mon cœur, jamais – jamais -« 

Ludwig van Beethoven

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Jamais aveu ne fut plus tendre

Jamais amour plus enflammé

Que ce trésor tenu caché

*

Qu’importe la destinataire

C’est à la musique, à l’éther

Que cette lettre est destinée

*

Un amour trop grand ici-bas

Brûlant d’une Appassionata

Et de ces deux cœurs consumés

*

Un lied à la postérité

Des notes à jamais imprimées

Sur l’immensité bleue du ciel

*

Jamais aveu ne fut plus tendre

Jamais amour plus enflammé

Que cette missive au secret

*

À l’immortelle Bien-aimée.

Car pour nous qui restons

Car pour nous qui restons

Tout est première fois

Les mois et les saisons

Premier Noël sans toi

Et voilà le septième

La vie a bien changé

Avant, qu’il pleuve ou neige

Nous étions en été.

Il faut tout réapprendre

Tout ré-appréhender

Nous ne serons les mêmes

Plus jamais désormais

Cela ne s’apprend pas

Dans les livres mais ailleurs

Bien au fond de l’intime

Au cœur de notre cœur.

Dehors la fête brille

Par ses décorations

La ville s’illumine

Point de consolation

Le deuil ne s’éclaircit

Pas à coup de lampions.

Une aura poétique

« Entre ton trop d’arrivé et ton trop de partance tremble un peu de séjour. »

Rainer Maria Rilke



Je ne t’ai pas gardé
Je t’ai laissé passer
Tel un joli nuage
Retenant une pluie
Dessus terre brûlée
Après trop grand soleil.

*****


Elle ferme les paupières
Et voit encore danser
En touches de lumière
Du rêve le tracé

*
Une aura poétique
Lamelle d’or orphique
Phosphènes et halos
Pareils à ses flambeaux

*
Voyez ces faux soleils
Voyez ces Parhelies
Ces contes aux merveilles
Qui flottent sur sa vie

*
Quand le soleil caché
Continue de briller
Séjourne au firmament
Un éblouissement.