
Quelques curieux, regroupés sur la berge, regardent l’eau redevenue miroir.
Un brouillard confondait à présent leurs silhouettes et l’on ne distinguait plus l’effroi qui avait un temps marqué les visages.
Ils resteront là pourtant, tous tournés dans la même direction comme si l’eau leur devait une explication ; c’était bien elle, cette eau, placide à présent, calme comme un remord qui gardera le secret.
Plus haut on pouvait encore voir quelques effets, soigneusement rangés, comme pour laisser quelque chose du soi hors la portée de l’eau. Une écharpe, un sac à main, des chaussures. C’était attendrissant, cette dernière attention, ce soin aux choses simples du quotidien.
Quand l’eau arriva à sa taille, sa robe se répandit autour d’elle et on aurait dit un nénuphar flottant sur l’onde.
Marie s’était laissée glisser, tout doucement, et ses yeux fermés distinguaient encore quelques myriades colorées de vie. Le noir n’est jamais total sous les paupières baissées.
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En cette fin de journée, Marie ne retient plus sa fatigue. Pourtant elle n’a rien fait de plus ce jour que celui d’hier ou ceux d’avant… : un peu de lecture et d’écriture, quelques morceaux joués sur le vieux piano, rien qui puisse peser davantage sur le corps. Ce poids vient de plus loin, d’une lassitude que le sommeil n’atteint plus.
Les ombres insidieuses de la mélancolie avaient fini par gagner l’esprit de Marie.
Elle écrit quelques mots à glisser dans sa poche. Le crayon crisse sur le papier, ce sera son dernier cri.
» Je demande pardon aux personnes que j’ai pu blesser, volontairement ou involontairement. »
Celui que l’on ne voit pas est peu réel n’est-ce pas ?
Alors ça change quoi. !
Le temps était venu de réintégrer son ombre, de la pénétrer, comme fera l’eau tout à l’heure, tout doucement, sous un léger remous.
Un dernier regard sur ce qui fait partie de son univers depuis tant d’années ; ce regard il emporte et intègre ce qui se trouve déjà être enveloppé de pénombre :
Ne pas se retourner…