Toujours ce mouvement

Le monde aussi
Cille du regard
Toujours ce mouvement
Accepter que tout change
Que se meuvent en absence
Les rires des enfants
Quand bien même le temps
Fatigué du voyage
Ne s’étonnerait plus
Du poids qu’il donne aux ans
Ni des jours et des nuits
Où court toute vie
Quand bien même le temps
Enroulé sur lui-même
Que d’avoir trop tourné
S’arrêterait de couler
Il resterait l’empreinte
Au creuset de mes veines
De ce point d’infini
Qui lui jamais ne tremble

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J’ai rêvé d’un escalier dont les marches mèneraient jusqu’au ciel.



«  Le rêve c’est l’instant où tombe enfin la robe des clairières. »

André Hardellet



J’ai rêvé d’un escalier dont les marches mèneraient jusqu’au ciel.


Marie ne rêvait pas seulement pendant son sommeil. Vous connaissez cette résonance particulière que prennent les choses quand le monde dort encore et que les chagrins s’en trouvent amortis ?
Les bleus de la nuit sont là pour réparer ceux de l’âme.


Et pourquoi devrais-je être confrontée au réel tel que nous le percevons en général, pensait Marie ? Notre monde contient plus d’un monde… Qui pour m’obliger à cette restriction de l’esprit ? Ce que nous appelons le réel n’est-il pas le négatif d’un monde plus lumineux, inaccessible au non rêveur. Et peut-être ne faisons-nous que traverser cet hologramme avec l’effronterie de celui qui pense le monde lui appartenir.

Les informations n’en finissaient pas de passer entre ces deux mondes sans que personne n’en remarque le mouvement : l’air devenu soudainement plus léger ou plus dense, les couleurs qui se fondent au camaïeu ou s’esclaffent en rire de lumière.
Marie aimait à se laisser porter par ce courant, tantôt lumineux, tantôt ombré, cet infini qui parfois nous traverse.

Son père disait d’elle en la taquinant : avec Marie tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Cela n’était pas vrai, seulement elle ne s’attardait pas sur la laideur  ; elle préférait de loin regarder le beau. Et même dans la laideur, elle y trouvait souvent une petite lumière ; elle appelait cette petite lumière l’espoir en la vie, en l’humain.

Ainsi elle voulait bien croire en Dieu, mais pas au diable. Quant aux anges, ils ne pouvaient être qu’amour, raison et justice comme le sont les Séraphins et les Chérubins, pas de place dans le monde de Marie pour les anges déchus.

Le mal ne peut survivre à l’amour.


Ailleurs, autrement

sans écoulement de temps

coule une lumière

Que les marches soient faciles à gravir ou semées d’embûches, nous finissons tous par nous retrouver face à ce qui nous dépasse.

Le vieil escalier était fait de ce bois qui retient les confidences des corps. Marie aimait s’y asseoir, y déposer son rêve, laisser son esprit vagabonder loin du réel, écouter les craquements, les respirations, les vibrations du bois, de ce bois qui portait en lui tant de passages, de messages.
Symbole de l’ascension ou de la descente, la même marche devient autre selon que l’on monte ou que l’on descende l’escalier ; dans les deux cas elle ne transmet pas la même impulsion au corps.

J’ai rêvé d’un escalier dont les marches mèneraient jusqu’au ciel.

La mort du chien Victor Hugo

Un groupe tout à l’heure était là sur la grève,
Regardant quelque chose à terre : « Un chien qui crève ! »
M’ont crié des enfants ; voilà tout ce que c’est !
Et j’ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.

L’océan lui jetait l’écume de ses lames.
« Voilà trois jours qu’il est ainsi », disaient les femmes.
« On a beau lui parler, il n’ouvre pas les yeux »
« Son maître est un marin absent », disait un vieux.

Un pilote, passant la tête à la fenêtre,
A repris : « le chien meurt de ne plus voir son maître!
Justement le bateau vient d’entrer dans le port.
Le maître va venir, mais le chien sera mort! »

Je me suis arrêté près de la triste bête,
qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête,
Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé.
Comme le soir tombait, le maître est arrivé,

Vieux lui même, et, hâtant son pas que l’âge casse,
A murmuré le nom de son chien à voix basse.
Alors, rouvrant ses yeux pleins d’ombre, extenué,
Le chien a regardé son maître, a remué

Une dernière fois sa pauvre vieille queue,
Puis est mort. C’était l’heure où, sous la voûte bleue,
Comme un flambeau qui sort d’un gouffre, Vénus luit ;
Et j’ai dit : « D’où vient l’astre ? où va le chien ? ô nuit ! »

L’estran déserté

L’estran est déserté
De ses amours de sable
Figé dans l’ineffable
L’esprit est vagabond
Il erre hors la saison
Les voyez-vous passer
Ces âmes du passé
Ces frêles libellules
Bleuies au crépuscule
L’espace d’un instant
Un arrêt près du banc
Avant que l’océan
Et le ciel ne se fondent
Au seuil d’un nouveau monde
Le cœur est à l’étale
Tangente d’horizon
Sur la nuit qui s’étale
L’été a ses passions
L’automne ses raisons
Sont les amours d’été
Et l’estran déserté

Le rêve inachevé porte en lui l’infini

Je vous ressens si bien se peut-il que mes sens
De votre âme aient volé toute la quintessence ?
Le rêve inachevé porte en lui l’infini
Et vous êtes le soir et l’aube de ma vie


Ainsi en ce moment vous seriez près de moi
Que le ciel ne pourrait me donner plus de joie
Je rêve de matins tout frissonnants de fièvre
Sertis de fous baisers dont vous seriez l’orfèvre


On ne peut négocier au ciel l’inexprimable
L’indicible se mire aux vasques bleues des âmes
Aux ailes des moulins précieux est le vent
Tel le rêve à la vie son souffle tout autant


Comme une vague pleine attendue sur la grève
Comme la fleur saisie par la poussée de sève
Je vous ressens si bien se peut-il que mes sens
De votre âme aient volé toute la quintessence

L’inachevé

Vous, ma différence
mon désir inconnu
Vous, la fleur et la lance


Vous, la quintessence
la versification
du poème en puissance


Vous, la rémanence
la nostalgie intense
d’un été buissonnier


Vous, ma préférence
le non élucidé
l’énigme d’un portrait


Vous, mon imprudence
le passant, l’horizon
de l’estran la mouvance


Vous, mon alternance
de joie et de tourment
l’énigme et l’énoncé


Vous, la confluence
de mon rêve lucide
la présence en l’absence

Poésie automnale

https://studio.youtube.com/video/UIqPOP7eF7U/edit

J’aurais pu vous aimer promenades en forêts

Vos grands pins, vos cours d’eau, vos feuillus, vos fourrés

J’aurais pu apprécier vos arbres centenaires

Vos cèpes après la pluie surgissant de la terre.

J’aurais pu imprégner mon cœur et puis mes sens

Plonger sans retenue dans toutes les essences

Ces odeurs exhalées, différentes, selon…

L’heure de la balade ou du temps, la saison.

J’aurais pu à l’avance en ramassant les mûres

Me délecter pensant au goût des confitures

Quand nos vélos suivaient la route des abeilles

Ces chemins ombragés, mouchetés de soleil.

Ils sont si naturels ces instants de la vie

Difficile d’accepter qu’un jour ils soient ravis

Tout ce qui nous entoure a le goût de l’absence

D’hier et d’aujourd’hui… je fais la différence.

J’aurais pu…

Le vase brisé… Sully Prudhomme

Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D’une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s’est épuisé ;
Personne encore ne s’en doute ;
N’y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas.