La traversée nocturne ou le temps du comprendre

🎨 Caspar David Friedrich

 » Une fois sorti de l’enfance, il faut très longtemps souffrir pour y entrer, comme tout au bout de la nuit on trouve une autre aurore… »
Georges Bernanos
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On voudrait l’aventure. Le mot à lui seul porte loin le regard. Loin, loin au dehors, aux abords du soi.
Avec notre sac à dos rempli d’illusions, nos bottes de sept lieues imaginaires, nous aimerions quitter l’ordinaire de nos vies, voyager dans l’étrange, découvrir autres terres, autres mondes…
Il est pourtant un lieu tout proche, un abri mystérieux, dont nous sommes seul propriétaire, l’unique dépositaire à détenir la clef.

Il suffirait d’ouvrir.

Par crainte souvent, par ignorance, par paresse parfois, nous remettons à plus tard ce voyage intérieur.
Nous avons bien notre clef en poche, mais nous finissons par l’oublier tant elle pèse si peu face au monde ouvert qui nous entoure.

Il y a pourtant cette lumière sous la porte, qui perce jusque dans les fêlures, qui finit par nous happer.

Le voyage du moi vers le soi…

Certains n’y entreront qu’à la fin de leur vie. C’est le temps du comprendre. De la vision qui englobe tous nos voyages dans cette ultime épopée. Nos ombres nous devancent, mais il n’y a pas d’autre voie à suivre que cette traversée nocturne pour gagner la lumière, percevoir cette autre aurore dont nous parle Bernanos.

 

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Pour que dans l’obscur brille une lumière

Et ce soleil

Qui est venu te chercher

Ne pourra atténuer

La tristesse des vivants

 

Ce contraste à la nuit

Cette claque dans le silence

Et ce chagrin immense

Au matin

 

Était-ce pour te vêtir

Comme l’est la jeunesse

D’un habit de lumière

 

Ou bien pour nous dire

Que le deuil d’une mère

Emporte avec lui

Le cœur de toutes les mères

 

Écrire pour retirer

Du silence au silence

Pour relier les vivants

Dans l’absence


Passer la porte des ténèbres

Et que dans l’obscur

Brille une lumière.

Il n’y a de réel hormis la poésie.

Je dessine un soleil et ma nuit s’éclaircit
Puis sur le temporel je trace un infini
Il n’y a de réel hormis la poésie
Quand d’un trait le destin à l’encre bleue s’écrit.

D’avoir fixé le ciel nos yeux passent au bleu
Et combien de regards avant d’être amoureux
La folie de la fleur est de devenir fruit
Entre ces deux états coule comme un sursis.

Je dessine un soleil et ma nuit s’éclaircit
Puis sur le temporel je trace un infini
À mes matins vermeils à ma mélancolie
Il n’est qu’un seul sésame au seuil du paradis.

N’attends pas prends la mer vogue sur l’océan !
Rêve à ciel ouvert sur l’horizon tremblant
Ce sera ton mystère à l’oreille du vent

Il n’y a de réel hormis la poésie.