Une certaine forme de résistance… avant la résilience.
Allons vers le beau ; pour le reste il n’y a plus de place.
Toute lumière
Qui résiste aux ténèbres
Porte en elle
Un peu de l’éclat
De nos résiliences.
Les réponses ne suivent pas toujours les prières, mais l’on peut laisser sur le seuil de la porte ces inquiétudes qui parasitent l’élan.
Derrière la porte se trouvent tant de belles choses. C’est avec la confiance, couplée à l’abandon de nos peurs, que nous traverserons ce no man’s land, cette baie désertée dont les sables finissent par se mouvoir sous les chagrins.
Nous retrouverons bien le code qui ouvre la porte des plénitudes et de la joie simple, profonde ; celle qui n’attend rien d’autre que d’être.
De la joie qui partipe à immuniser les esprits contre les défaites des corps.
Coiffé de nuit
Plus rien ne tremble
Ni vent… ni bruit
Le jardin semble
Coiffé de nuit.
Se tenir là
Les jours sans rien de neuf me comblent.
Un écoulement en continu. Un cours d’eau à la source oubliée… à la réalité toute contenue dans cette eau limpide et fraîche sans début ni fin.
Se tenir là, dans le mouvement, au rythme du courant, au seuil des saisons.
Déjà quelques jonquilles, volontaires et déterminées, s’appliquent à percer la couche gelée d’une terre qui ne retient plus que son odeur.
Ne plus penser au temps qui passe, à celui perdu, déjà évanoui.
Ne rien anticiper autre qu’une joie qui ne peut qu’advenir, qui finira elle aussi par percer ; le printemps n’est pas qu’une affaire de jonquilles…
Aimer plus que jamais le banal, l’ordinaire, le tranquille, le sans vagues. Aduler le jubilé du semblale, de l’identique, de l’inchangé, le rythme invariable à la mélodie répétitive d’un Boléro de Ravel.
L’or du levant
Tous les âges ou plus d’âge autour de cet instant
La fièvre du départ le froid du non retour
Pourquoi donc cette nuit plus longue que le jour
Et pourquoi les pourquoi eux aussi s’éternisent
Quand le silence seul pour réponse est de mise
Tous les âges ou plus d’âge autour de cet instant
Long sera le voyage où user mon tourment
Aux ailes des moulins plus de vent plus de brise
Sous ton regard baissé le temps s’immobilise
Il reste ton sourire entre ici et ailleurs
Qui transperce mon cœur qui transgresse mes peurs
Suspendue hors du temps cette interrogation
Aux portes de l’immense, au seuil de la maison.
Ce poème pour tenter d’expliquer ce sentiment étrange, déjà présent pendant la maladie, qui prend toute sa mesure quand la mort arrive.
Cette fusion de tous les âges en un seul. Ce n’est plus seulement le jeune homme qui nous quitte, mais avec lui tous les âges qui l’ont précédé.
Au creuset de notre finitude
Au creuset de notre finitude, de souvenirs que l’on voudrait intemporels en souvenirs fuyants, un remodelage constant. Instants vécus, instants présents, tous glissent du grand bain fluctuant de l’intemporel dans notre propre temporalité ; le temps finit par tout remanier. Ce que nous pensions immuable suit un autre rhytme, une autre voie, une autre cohérence. Chaque instant si précieux que seul son éclat puisse se retenir ; le reflet plus puissant que l’image. Dans la lenteur du processus, quelques leurres (ou lueurs d’éternité) pourraient nous inciter à croire que nous sommes seuls décideurs de ce qui restera de nous et de nos souvenirs après maintes transformations de notre glaise. Nous nous y essayons, nous nous y acharnons même parfois. Sans succès.
Pourtant nous continuons… à composer avec ce qui nous compose, pourtant si mal, parfois si peu. Et mettons toutes nos forces à jouer solo notre symphonie, celle que l’on aimerait voir inachevée.
Le vieux saule
La lumière en cascade
Fait danser de sa pluie
La ramure alanguie
Du vieux saule en parade
Sur l’étang endormi.
Le ciel devant la terre à cet instant s’incline
C’est l’heure où le soleil tire sa révérence
Derniers éclats du jour dans la chaleur qui danse
Avant que l’océan dans l’azur ne se fonde
Ne capture en ses bras la lumière du monde
Le ciel devant la terre à cet instant s’incline
L’astre d’or et de feu dans son plus bel atour
Embrase de désir tous les yeux alentour
L’offrande de l’amant avant son désamour
Jamais loin du doré l’heure bleue se dessine
Puis de rose l’estran à présent se praline
Les mystères du soir mettent au repos le corps
Que déjà en éveil l’âme se pare d’or
N’attends pas que la nuit vienne tout recouvrir
Les ombres au crépuscule emportent loin les rires
Ton songe te devance il te faut le saisir
Les poètes finissent eux aussi par mourir.
En partance
Elle a dit : « Il vous faudra pousser des portes « .
Pousser des portes…
Au risque de se retrouver face au vide.
Pousser des portes…
Au risque de ne jamais franchir la bonne.
L’espérance n’est pas derrière la porte, non elle est devant, dans le fait même d’avoir encore des portes à pousser quoi que l’on puisse trouver derrière…
Bonheur du linéaire
Avant la césure.
Sommes en partance
L’unique voie
Gagner le soleil
Sur la marelle du temps
Pas d’autres choix
Il faut mettre des œillères
À la peur
Au désespoir
Voir loin, loin devant
La marche même
Est la semeuse
De vie
Elle prolonge le temps
Celui qui reste
Avant la moisson
Il faut l’étirer au maximum
Nourrir le mouvement
Le moindre leurre
Pour appât
Tout sauf la stase
Celle d’avant l’arrêt du coeur
De l’appétit à vivre.
Elle avait dit : » Il vous faudra pousser des portes ».
Ma vagabonde, ma souterraine, ma solitaire

Ma vagabonde
Ma souterraine
Ma solitaire
Fugueuse tu es
Si mon corps cherche à te retenir
C’est pour la bonne cause
Tu répliques
Que mon corps ne t’est rien
D’aucune utilité
Qu’il n’est ni ton père ni ta mère
Encore moins ton enfant
Tes fugues
Je les perçois pourtant
Et mes nuits sont alors agitées
À grands cris
Je te conjure
De rester
Ma vagabonde
Ma souterraine
Ma solitaire
Tu répliques
Que je ne suis ni ton double ni ton ombre
Je m’incline
Mes bras voudraient te donner leur chaleur
Te bercer
Tu me dis
Que ce n’est pas encore l’heure
Qu’un jour
Tu partiras pour ne plus revenir
Que je dois avoir confiance
Que tu ne partiras pas
Sans prendre avec toi
Un peu de mon bagage
Ma vagabonde
Ma souterraine
Ma solitaire
Mon âme.