Il est des matins qui n’en sont pas vraiment. Dire matin, penser matin, c’est envisager une suite, organiser une journée : une pause déjeuner, un après-midi libre ou occupé, une soirée avec un bon film, un ami peut-être, un resto. La vie quoi ! celle qui prend toute sa mesure si elle vient à se tenir en équilibre sur un fil.
D’accord la route était glissante, le virage en épingle à cheveux, la vitesse excessive, d’accord l’alcool avait coulé à flots et que dire de cette folie, ce pari stupide comme peut en faire la jeunesse quand les vapeurs d’alcool décuplent une apparente toute puissance.
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. »
John Stuart Mill
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »
Déclaration des droits de l’homme
Petit rappel pour ceux qui placent leur liberté individuelle au dessus de la collectivité.
L’éclairage des lumières ne semble plus arriver jusqu’à nous.
Plusieurs mois après le début de cette épidémie qu’avons-nous appris, retenu, de ce virus ? Qu’avons-nous appris, retenu, de notre capacité à gérer cette crise, dans notre vie personnelle et collective au fil des jours ?
Il semblerait que le virus ne soit pas seul à muter.
Après avoir applaudi chaque soir à vingt heures les soignants, lors de la première vague, certains des bons petits soldats obéissants du début, jouent les insoumis…
Quel message envoient-ils aux soignants déjà tant sollicités, et qui le seront peut-être demain encore davantage ?
— « Je suis jeune, ou moins jeune, je ne risque pas de tomber gravement malade, pourquoi me priverai-je d’amusements, de sorties ? Pourquoi m’obliger à porter un masque ? A partir de quel âge sommes-nous considérés comme moins prioritaires à jouir de la vie ?
Imaginons pour un moment une situation inverse…
Que ce virus touche en priorité les adolescents, les jeunes enfants, voire les bébés…
Ne prendriez-vous pas toutes les précautions avant de vous approcher de ces enfants, que vous soyez malades ou non, asymptomatiques ? Les isoleriez-vous pour autant ?
Soyons responsables. Par respect pour les autres et pour les soignants.
Personnellement, cet été, j’ai vu pas mal de personnes qui ne respectaient pas les gestes barrières… et pas seulement des jeunes. C’est attristant.
Les commerçants ont joué le jeu, dès le début, les entreprises aussi. Je dirai que la balle est dans notre camp. Nous devons tout faire pour ralentir la progression du virus. Il en va de la responsabilité de chacun.
« Quelquefois mes rêveries finissent par la méditation, mais plus souvent mes méditations finissent par la rêverie, et durant ces égarements mon âme erre et plane dans l’univers sur les ailes de l’imagination, dans des extases qui dépassent toute autre jouissance. «
Jean‑Jacques Rousseau. Les Rêveries du promeneur solitaire
Rêverie
Le ton est donné. En cette fin d’année aucun objectif autre que celui de laisser son esprit libre de vagabondage.
Quelle liberté pour l’esprit ! Quelle tranquillité pour le corps !
Tranquillité… le mot à lui seul est déjà une promesse, une caresse. S’il était une couleur, il aurait le bleu de la mer, ce bleu profond qui succède au coucher du soleil , quand tout repose entre deux respirations.
Advienne que pourra pensa Julie. Cette tranquillité, elle l’avait bien méritée. L’heure n’était plus au chaos, mais à la rêverie.
Quand le corps perd en énergie, l’âme gagne en sagesse. Plus question de prioriser, d’organiser ses pensées, ni même de penser à ne pas penser comme on peut le faire lors d’une méditation.
Et si des idées nomades surgissent de cette gourmandise de l’esprit qu’est la rêverie, de cette flânerie non programmée, la mémoire en gardera peut-être, dans un de ses îlots éloignés, quelques contemplations.
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
3 septembre 1847
Victor Hugo
C’est ce poème aimé Tant de fois récité Dans mes jeunes années Presque prédestiné Qui parle désormais À mon coeur de maman Que je veux mettre ici.
Qui pourrait aujourd’hui Mieux que moi le comprendre Il est de ces tombeaux Qui jamais ne se ferment Lui le savait aussi Dans son immense peine.
Tu peux tout écrire ici, sur cette page de brouillon, au crayon à papier, tu finiras pas édulcorer, tu le sais bien, en recopiant puis encore quand tu appuieras sur le bouton « éditer » Il suffira pour cela de prendre juste un peu de distance, de celle qui permet de dire sans choquer le lecteur, de laisser passer assez de poésie pour préserver les différentes sensibilités entre celui qui conçoit et celui qui reçoit, pour cela tu voileras ton discours d’un tissu caméléon qui saura s’adapter à chaque âme.
Une fois les mots écrits, ils ne t’appartiennent plus en totalité ; ces mots parfois secrets, souvent intimes, et cela même si le mot n’est pas la chose.
Tu crois que la poésie te sauve, mais c’est sa musique qui est le vrai passeur, le vrai sauveur. Aujourd’hui, tu la voudrais douce et remplie de lumière.
Le temps retranche, rajoute, rebat cent fois les cartes. Ne présume pas du temps qu’il fera demain. En devançant les chagrins, tu pensais pouvoir les mettre à distance, tu sais aujourd’hui qu’il n’en est rien. Un reste de pensées magiques de l’enfance ; ce que l’on a pensé ne peut arriver…
Une collection de petites joies n’en fait pas une grande, mais ne dépare jamais, bien au contraire. Une petite joie même infime, même si réelle seulement pour toi, une petite joie pour que les mots, eux aussi, profitent et rayonnent d’une présence.
Et toi, mon bel été, ma plus belle saison Tu es parti matin emportant ma raison Depuis dans toute chose après le grand transfert Je regarde une rose et j’y vois ta lumière.
Corde vibrante entre deux mondes. Ondes venues de l’étrange, de l’inhabité. Des heures entières à capter vos déplacements, vos creux et vos crêtes entre vagues et soupirs. Vous qui glissez si bien sur la nue de l’absence…
S’il suffisait de se mettre au diapason, de venir à vous le coeur pur et l’esprit ouvert. Non, il faut plus pour capter vos murmures et vos consolations, il faut l’amour absolu et beaucoup d’abnégation et de gratitude.
J’en ai passé du temps dans cet havre de paix et de silence, cet espace à la fois vide et plein d’espérance. Ce no man’s land entre ombre et lumière, entre fini et infini.