Si je n’ai rien vu
Rien entendu
Rien compris
À ce monde
C’est que j’ai dormi debout
Et que mes rêves
Voient au-delà
De votre réalité.
Si je n’ai rien vu
Rien entendu
Rien compris
À ce monde
C’est que j’ai dormi debout
Et que mes rêves
Voient au-delà
De votre réalité.
Construire une cabane
Y abriter un monde
Où crépuscule et aube
Seraient de même essence
Construire une cabane
Aux murs couleur de ciel
Sans l’épaisseur du temps
Sans cavités à l’homme
Pour nourrir ses démons
Construire une cabane
Comme font les enfants
Y abriter un monde
Où les rêves circulent
Sans crainte du voyage
Où les rêves se posent
Sans risquer la blessure.
Le temps comme une pluie s’écoule tout de gris
En m’éloignant de vous me ramène vers lui
Les plaisirs ne sont plus à l’ordre de mes jours
Et mes rêves sont seuls à me parler d’amour.
Aussi même le jour en recherche de nuit
Fuyant le gai soleil j’aveugle mon esprit
Il faut jeter un sort sur les temps à venir
Pour garder les trésors chers à nos souvenirs.
Si de franchir le seuil il n’est pas parvenu
De cet amour, le deuil, ne sera pas vécu
La chambre des regrets restera entrouverte
Pour du cœur les secrets à l’esprit n’avoir perte.
Je ne sais plus très bien quand vous êtes venu
Vous blottir en mon sein tel un enfant perdu
Comme à la mort l’amour au temps singe l’effet
De pouvoir peser lourd bien qu’étant effacé.
C’est d’abord un cri
Qui se retrouve
Délité
Dans le souffle
Dans la vague
Dans le nuage
Dans le murmure et l’impalpable
Dans l’intangible et l’évanescent
Puis va mourir
Dans la rambleur
D’une aube
Unique dans sa multiplicité
Et qui
Ouvre
Sur le chemin
Inviolé
De l’amour.
Un ange me sourit et c’est un arc-en-ciel
En couleur qui me dit combien la vie est belle
Le cœur sur la raison cache bien des secrets
Quand aimer est plus fort qu’être soi-même aimé.
Il fallait un amour capable de franchir
Les portes de la mort pour sur la vie ouvrir
Une brèche, un sillon, que volent en éclats
Toutes les projections tabous et cadenas.
Je confonds tous les manques et qui pourra combler
Cette double béance, cette gémellité
L’ignorance du cœur a aussi sa vertu
Qui pourrait le blâmer de s’être mis à nu.
Tel le vent qui s’engouffre où le vide l’appelle
Un joli rayon vert dans ma vie tout pareil
Un ange me sourit et c’est un arc-en-ciel
En couleur qui me dit combien la vie est belle.
La photo de l’arbre est de Marguerite Vacher (Visage)
Vu d’ici les hommes semblaient perdus ; le temps s’était replié sur lui-même. Il ne restait plus que son empreinte, mémoire vidée de sa substance, circonvolution cérébrale d’un ensemble sinueux aux replis profonds, mais sans la vie, sans l’énergie qui la constitue.
La substance encore vivante du temps errait dans son couloir sans commencement ni fin. Vu d’ici, on aurait dit l’écorce d’un vieil arbre, ridée et parcheminée d’avoir connu trop de lunes.
L’espace d’un instant les hommes s’étaient réjouis, puis très vite prirent peur. S’il y avait des avantages à perdre le temps, grand était celui à le conserver. Avec la mémoire du temps qui s’égarait, c’est le mouvement, le souffle même de la vie qui s’en allait.
Les hommes se mirent à regretter le temps, les saisons qui vont avec et tout ce que le temps peut garder en mémoire : les années passées avec leurs joies et leurs peines, l’amour et l’amitié, la confiance, et même la maladie et la mort se mirent à leur parler de la vie. Le pire pourtant était à venir, ou justement sans plus d’avenir. La vie cristallisée avec le temps, dans ses plis, mille-feuille aux couches de roches et d’argile, de limon et de sang. Il vint aux hommes la nostalgie du temps et de tout ce qu’il recelait de trésors. Il était urgent de partir à sa recherche, de le retrouver.
Il y avait encore tant et tant à découvrir à l’intérieur du temps. Pour cela il fallait l’ouvrir, le déplier, avec d’infinis précautions, avec respect aussi, comme on le fait de ces vieux livres au cuir épais et poussiéreux.
Le pain d’épices terminait doucement sa cuisson au four. Une bonne odeur de cannelle et d’anis étoilé flottait dans toutes les pièces de la maison.
Maman s’affairait aux derniers préparatifs. Elle n’avait pas encore eu le temps de se poser et d’embrasser du regard tout le travail effectué. C’est en automate que depuis quelques jours elle rangeait, astiquait, nettoyait de fond en comble les moindres recoins. Tout devait briller, rutiler : les cuivres, les glaces et même les planchers. Il lui faudrait encore inspecter le linge de table, la grande nappe blanche légèrement amidonnée pour l’occasion, trier les couverts et les plats. Rien ne devait être laissé au hasard pour le grand soir.
Les fleurs, ne pas oublier les fleurs…
Ces préparatifs planifiés dans le temps, codifiés, ordonnés, ne laissent pas de place au ronron habituel de la pensée. Nul besoin de chasser ce qui viendrait attrister le fête. L’occupation à elle seule remplissait cette office ; c’est plus tard, quand tout sera en ordre, fin prêt, qu’il faudra un peu s’étourdir pour ne pas trop penser.
Pour l’heure, l’urgence était à parer la volaille, préparer farce et garniture.
Quand je suis entrée dans la cuisine, maman venait d’allumer la lumière. Celle du jour déclinait rapidement et bientôt la nuit recouvrirait toute chose à l’identique, de la plus jolie à la plus terne, telle celle qui s’accommode très bien de l’ombre et ne brille que sous la pluie.
Maman se tenait debout devant la grande table de la cuisine. Un tablier protégeait ses habits, il avait une large bavette et maman le nouait toujours après avoir fait plusieurs fois le tour de sa taille. Le jeu de mon petit frère était alors de tirer sur le nœud et de partir en courant.
Mais ce soir là, il y avait dans l’air quelque chose de spécial, et tout prenait allure de cérémonial.
Maman ne leva pas la tête à mon arrivée. Elle semblait triste et lasse. C’est à peine si j’osais lui parler ou la regarder, tant cela aurait été comme une intrusion dans son intimité. Elle aussi gardait le silence. Elle avait les gestes lents et mesurés des gens qui sont là sans y être. Je m’approchais doucement et vis qu’elle épluchait soigneusement oignons et échalotes qui devaient servir à la farce. Quelques larmes glissaient le long de ses joues.
Maman tourna la tête, puis sourit au milieu de ses larmes en me voyant dans ma jolie tenue de fête.
La joie est une fleur sauvage, elle pousse très bien sur les sols en jachères.
Vivace elle n’est pas morte
Elle attend sous la terre
Que le jardin l’espère
Vivace elle n’est pas morte
Et reviendra plus forte
Si son rêve la porte
Au-delà de la porte
Du monde des ténèbres
Des bohèmes et des guèbres
Superbe est sa candeur
À sortir avant l’heure
Homme n’écrase pas
Sous le poids de ton pas
Son ardeur à percer
Les dernières gelées
La pluie et la lumière
Ont brisé ses barrières
La voilà printanière
Et n’accepte de suaire
Que mousses et bruyères.
Une mise à jour
Automatique
Imperturbable
Involontaire
Inviolable
Le temps est maître d’oeuvre
Et bon ouvrier
Mais le temps
Je te le dis
Nous sommes plus que ce que nous sommes devenus en passant dans tes mains rudes et sèches
Plus que ce que tu donnes à voir
La somme de ce que nous avons été.
Ma vagabonde
Ma souterraine
Ma solitaire
Fugueuse tu es
Si mon corps cherche à te retenir
C’est pour la bonne cause
Tu répliques
Que mon corps ne t’est rien
D’aucune utilité
Qu’il n’est ni ton père ni ta mère
Encore moins ton enfant
Tes fugues
Je les perçois pourtant
Et mes nuits sont alors agitées
À grands cris
Je te conjure
De rester
Ma vagabonde
Ma souterraine
Ma solitaire
Tu répliques
Que je ne suis ni ton double ni ton ombre
Je m’incline
Mes bras voudraient te donner leur chaleur
Te bercer
Tu me dis
Que ce n’est pas encore l’heure
Qu’un jour
Tu partiras pour ne plus revenir
Que je dois avoir confiance
Que tu ne partiras pas
Sans prendre avec toi
Un peu de mon bagage
Ma vagabonde
Ma souterraine
Ma solitaire
Mon âme.