Jamais nous ne saurons…

 

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Jamais nous ne saurons

La joie des grands espaces

Où l’indicible embrasse

De l’amour tous les chants.

 

Et ces prairies soleil

Ouvertes sur le ciel

Que jardinent au réveil

Des lèvres emmiellées

De candeur et de fièvre

Jamais nous ne saurons.

 

Jamais nous ne saurons

Ces rendez-vous secrets

Après le déjeuner

Ces échappées sauvages

Ces fabuleux voyages

Au goût d’éternité.

 

Jamais nous ne saurons

Qu’au détour du chemin

Un malicieux crachin

Aux cabanes retient

Les amoureux transis

De désir et de pluie.

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À l’heure où le bleu calme les fièvres

 

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C’est l’heure où les faiblesses deviennent des forces, où la fragilité se fortifie de la fierté du tenir, et où le chemin se pave de persévérance.

À l’heure

Où le bleu

Calme les fièvres

Où tout se noie

Se confond

S’abandonne

À l’indistinct

De l’horizon

Effacement d’un monde

Aux contours imprécis

Dans le vaste

Qui s’étire

Fleurs de silence

Sont les mots

Que la nuit embrasse

Et puis comme un rappel

Ce tête-à-tête

Avec l’absent.

Croire en son Odyssée

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Il faut être têtu
Opiniâtre, obstiné
Croire en son Odyssée
Au retour du jour
Que chaque nuit défait
Se remettre à l’ouvrage
Et telle Pénélope
Œuvrer avec courage
Le sens même est dans l’œuvre
Ne pas craindre l’illusion
Du mystère de la vie
L’art en est le suprême
Caché aux yeux du monde
Dans la toile qui s’écrit.

Vois ! Sont les vieilles pierres

 

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Vois ! Sont les vieilles pierres

Appuyées sur le temps

Leurs rêves d’éphémère

La caresse du vent

Discret sur le feuillage

Et ces enfantillages

Du rire des passants

Qui ne prennent ombrage

Que par soleil ardent.

Vois ! Ce corps pénétré

D’ombre et de silence

Mais où le soleil danse

À l’abrupt des jours

Quand y passe l’amour

Vois ! Sont les vieilles pierres

Appuyées sur le temps

Leurs rêves d’éphémère.

On l’appelait « mémé chérie »

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Je ne sais pas si nous avons su la chérir, mais nous l’avons beaucoup aimée.

Les grand-mères sont des conteuses ou du moins elles l’étaient du temps de la mienne, lorsque j’étais encore petite fille. Aucun soir qui ne soit dispensé d’une histoire. Pas de ces contes que l’on trouve dans les livres destinés aux enfants, les histoires de mémé ! Pour certaines, je doute encore qu’elles n’étaient que fables inventées de toutes pièces. Je crois bien qu’elle y mettait de sa vie… et que sa vie tenait du roman, ou du moins de ces romans à l’aventure improbable quand elle dépasse la réalité.

Ainsi donc tous les soirs, un même rituel : mémé s’asseyait au bord du grand lit que nous partagions mon frère et moi, pour nous raconter une histoire. La chambre, tapissée de grosses fleurs rouges et roses, se prêtait au feutré de l’instant et à l’ambiance un peu étrange du reste de la pièce. Nous avions, en ces instants de doux privilèges, le plus souvent droit aux péripéties d’une certaine Thérèse Leclerc, dont mémé entretenait malicieusement notre questionnement sur son existence réelle ou imaginaire. — S’il te plaît encore une histoire de Thérèse Leclerc… et mémé de continuer jusqu’à ce que nos yeux clignent de fatigue.

La magie du moment tenait pour beaucoup du cœur qu’elle mettait à l’ouvrage et de l’ambiance propre à la chambre ; j’étais fascinée tout autant par les grandes ombres sur le mur qui s’allongeaient sous l’éclairage de la lampe pigeon, par le cadre posé à côté avec à l’intérieur « ses morts » comme elle disait, que par l’histoire connue, pour l’avoir entendue maintes fois de sa bouche, mais toujours réclamée avec autant d’enthousiasme.

Ma grand-mère, elle, ne montrait pas sa fatigue, et ne se plaignait jamais. Elle était de ces femmes que le courage garde droite dans les épreuves, et Dieu sait si elle en avait connu, des épreuves : comme ces bombardements qui l’avaient obligée à tout quitter et partir sur les routes, avec juste quelques affaires et son petit (mon père), déposés à la hâte sur une charrette tirée par un cheval.

Levée à l’aurore, elle préparait la journée sans faire de bruit pour ne pas nous réveiller, pourtant même les cloches de St Paul n’auraient pu venir à bout de notre sommeil d’enfant.

Le matin, mémé tenait un étal au marché couvert, elle y disposait toutes sortes de fruits et légumes de saison. Mon frère enfilait une longue blouse grise dépassant sa culotte courte et jouait au marchand. En poste derrière la grande bascule à plateau de cuivre (qu’il était seul avec mémé à avoir le droit d’utiliser), il ventait salades et radis aux passants.

Pendant que mémé achalandait ses petits radis « de châssis », j’arpentais le plus souvent, nez en l’air, la grande allée qui séparait les primeurs des boucheries accolées le long du mur, tout en rêvant devant les fresques peintes dans un camaïeu de bleu et de vert, représentant : la vie des pêcheurs, les grandes barques et la fameuse bisquine.

Malheureusement, de nos jours, les murs ont été repeints, et les fresques qui ont enchanté mes marchés et mon enfance ont disparu. J’ai longtemps recherché cartes postales ou gravures de l’époque, sans succès…

C’était surtout le samedi que le marché couvert brassait le plus de monde et vers onze heures il battait son plein.

Un brouhaha terrible emplissait alors nos oreilles, et toutes sortes d’odeurs nos narines. Il se mêlait un vrai magma qu’un nez non entraîné aurait eu bien du mal à différencier : la sueur des hommes et l’odeur un peu rance de la viande, ( on aurait parfois envie de souffrir d’anosmie) celles des fromages variés, du caillé blanc, des poissons, des légumes et ma préférée celle de la brioche du boulanger.

Au rez-de-chaussée, sur de grands crochets, étaient suspendus morceaux de viandes et gibiers, l’étage se réservait volailles sur pattes, poussins et lapins vivants ou dépecés, les œufs, la crèmerie, et proche de la sortie, la poissonnerie.

Et puis, il y avait les après-midi à la plage…

Ils sont bien là nos souvenirs, derrière leur porte, comme les feuilles entassées par un vent d’automne. Il suffisait d’ouvrir, pour qu’un peu d’air s’infiltre, agite une nostalgie prête à l’éveil.

C’est qu’il faut les saisir au vol ces bribes, ces regards un jour capturés par les miroirs de la mémoire. Viennent alors à nous toutes ces réminiscences constituées d’odeurs, de couleurs, de sons, et toutes les images qui vont avec ; clichés passant du ton uniforme sépia à celui de la douceur des pastels, pour finir par éclater en ces couleurs vives, riches à l’enfance.

Nous nous retrouvions donc, pendant les trois mois de vacances d’été, mon frère et moi, chez ma grand-mère.

Si la matinée était réservée au marché, mémé gardait des enfants l’après-midi, de quatorze à dix neuf heures, le plus souvent à la plage. Il lui arrivait d’en avoir jusqu’à sept en surveillance, nous compris. C’est vous dire que nous n’avions pas le droit de quitter le périmètre de sécurité limité à sa seule vue. Elle disait d’ailleurs tenir à nous comme à la prunelle de ses yeux.

Nous partions de chez mémé vers treize heures trente afin de récupérer les enfants sur le trajet. Au passage, nous ne manquions pas de saluer le marchand de couleurs en faction devant sa porte. Celle-ci grande ouverte laissait échapper un mélange olfactif issu de vernis, peintures, encaustiques et divers produits d’entretiens. Monsieur R. fabriquait ses peintures, c’était même sa fierté ; ainsi une peinture à son nom – la R. à l’eau- trônait dans la vitrine en compagnie de quelques mouches venues se suicider.

Mémé habitait dans le même immeuble, au troisième étage au dessus de la boutique, aussi le palier et les escaliers étaient imprégnés de cette odeur particulière, que je ne détestais pas au demeurant.

Je suis retournée plusieurs fois sur les lieux, lors de mes déplacements professionnels, Je poussais alors la porte et passais la tête dans l’entrebâillement juste pour en respirer odeurs et souvenirs.

Il n’en était pas de même au passage de la tannerie de peaux de lapins, située dans une rue que nous empruntions chaque jour, et souvent plusieurs fois par jour. L’odeur prégnante, infecte, infestait mes narines et une partie de la rue ; je prenais alors une grande respiration que je bloquais jusqu’à être éloignée suffisamment de l’entrepôt. Ensuite nous nous arrêtions aux « Petits de la Mairie », les gardiens connus par mon frère et moi sous ce seul nom.

Mémé conduisait sa troupe d’un pas alerte ; elle faisait d’ailleurs tout à pied et avait le mollet ferme, rond, et musclé.

Nous passions très vite devant l’étalage de gaufres, gui-gui, glaces et sucettes, puis dans le couloir très venté du début du Plat-Gousset où mémé ne manquait pas de crier » Vite les enfants ! Vous allez attraper la mort…» et sa voix se mêlait au bruit strident de nos pelles en fer traînées derrière nous.

Dans un premier temps, l’air salin et iodé de la plage nous abattait plus qu’il nous fortifiait. Le médecin l’avait bien dit à maman – Il faudra au moins trois semaines avant que les enfants ne reviennent transformés.

D’après mémé, il n’y avait pas plus saine plage et plus beau site que « son Granville». — Pensez donc, on ne voit ça nulle part ailleurs, une plage lavée par la marée deux fois par jour ! Ne me parlez surtout pas de Côte d’Azur, ni de ces plages aux alentours de Caen, je n’irai pour tout l’or du monde. Ainsi parlait mémé, et la Monaco du Nord avait bien en sa personne une ambassadrice.

Avant de nous installer, toujours au même endroit, près de la piscine, nous passions devant les cabines de plage où mémé avait « ses connaissances » ; connaissances qu’il nous fallait saluer bien gentiment, comme les bons enfants que nous étions. J’admirai ces petites cabines de plage à deux portes et tout le bric-à-brac qu’elles laissaient entrevoir. On n’imagine pas leur contenance ni leur contenu. Ainsi les plus riches y entassaient : épuisettes, fauteuils relax, chaises pliantes, parasol, jeu de croquet avec maillets et arceaux, ballons, jokari, bouées, pelles en fer, cerf-volant, sorties de bains, chapeaux de paille etc.

Les après-midi se déroulaient à l’identique sauf exception. Le bain, dans la piscine, après trois heures de digestion, ( je soupçonne mémé d’avoir triché, en reculant l’heure de sa montre, plus d’une fois) était le moment attendu par tous. Entre temps, nous jouions à divers jeux de plage : comme construire un château avec ou sans pont-levis, faire un circuit sur lequel, pendant des heures, nous avancions nos petits coureurs cyclistes en plomb, après avoir lancé nos billes, ou faute de billes ces petites boules noires détachées au varech .

Parfois nous allions pêcher sur les premiers rochers, et toujours à la vue de mémé, les bigorneaux ; les beaux noirs à la coquille spiralée qui se termine en pointe.

Les jours de grande aventure, nous partions pour Donville-les-Bains pique-niquer. Il nous fallait traverser tout le Plat-Gousset, prendre l’escalier au bout de la promenade qui mène au parc Christian Dior, puis le sentier qui part du pied du parc et longe le littoral. Nous passions devant le cimetière Notre-Dame dont je me disais que les morts avaient une bien belle vue sur la mer.

Il n’était pas question de prendre par la plage, trop dangereuse, et pour argumenter, s’il en était besoin son propos, mémé nous racontait le sort de ce pêcheur à pied, encerclé par la marée montante, et que l’on avait retrouvé noyé.

D’autres fois, nous flânions dans les jardins cernant la grande bâtisse des Dior. Nous nous sentions un peu chez nous ou du moins nous nous attribuions cet héritage constitué par les souvenirs de mémé.

Car elle connaissait tout de la grande maison pour y avoir travaillé comme repasseuse quand mon père était encore un tout petit enfant.

— Raconte encore, s’il te plaît, comment papa restait à t’attendre parfois plusieurs heures sur sa petite chaise sans bouger. Il faut dire qu’à l’époque les enfants obéissaient, sans broncher, aux adultes. Ma grand-mère, veuve quand mon père n’avait que quatre ans, n’avait pas de temps à consacrer aux caprices, et en ce temps là l’autorité suffisait à « tenir » les enfants. D’ailleurs mémé n’a jamais levé les mains sur nous, et je ne me souviens pas de l’avoir vue en colère ; mémé nous tenait sages au sentiment. Il y avait bien les pères « Antimèche, Fouettard et Vénigoutte » qu’elle brandissait quand nous avions dépassé certaines bornes, sinon il lui suffisait de nous qualifier de « sans cœur » ou d’affirmer que nous allions la faire mourir de chagrin pour mettre un terme à nos chamailleries.

Le retour de la plage se faisait parfois en chantant ; les gens fredonnaient beaucoup plus à l’époque, qu’ils soient peintres en bâtiments, laveurs de carreaux, ou encore commerçants, c’était plaisant.

C’est ainsi que la blanche bavolette de « La Granvillaise » n’avait aucun secret pour nous.

Le temps sans le poids des années

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Le temps s’écoulera sans le poids des années

Et toutes les saisons auront un goût d’été

Je lirai votre prose et vous direz mes vers

Nous vivrons au pays de Beuve et de Flaubert.

 

La joie, sève du cœur, coulera dans nos veines

Nos corps seront plus forts, nos têtes plus sereines

De nouvelles douceurs inconnues à nos lèvres

Un miel aux mille fleurs pour apaiser nos fièvres.

 

À nos jardins secrets aux communes fragrances

Ces parfums émanés de mêmes espérances

À nos demains rêvés, nos aujourd’huis vécus

Paradis retrouvés d’une enfance perdue.

 

Nos pas soulèveront autres réminiscences

Ces impressions vécues qui fleurent à la conscience

Les gens diront de nous devant cette harmonie

– Ces âmes ont dû s’aimer, ailleurs, dans d’autres vies !

Poème : Normandie

 

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Elle nous pénètre sans un mot

Par les yeux et par notre peau

La Normandie on la respire

Histoire de mieux la retenir.

 

Peintres capteurs de lumière

Écrivains aux jolies manières

Ils en ont fait leur paradis

Côte de Grâce, Côte Fleurie.

 

Le roi des ciels au bord de l’eau

Eugène Boudin et ses pinceaux

L’impressionniste immortalise

Le frissonnement d’une brise.

 

Belles villas sur la corniche

Ces élégantes qui s’affichent

Résistent aux embruns et à l’âge

Dans leurs habits de colombages.

 

Plus loin… vallons, tourbières, forêts…

Coteaux crayeux, landes, marais

Blanches falaises aux pieds dans l’eau

Côte d’Albâtre, Pays de Caux.

 

Les champs… des tapis de verdure

Vaches ruminent à la pâture

Paille au chapeau de la chaumière

Douillons de pommes et camembert.

 

Grand-mère le loupiot d’une main

Et le vélo de l’autre main

Souffle d’amour sur la blessure

Vite rentrons à la masure.

 

Sans les vacances chez grand-mère

Manquerait de l’eau au moulin

De la douceur sur les embruns

Ma Normandie, mon bout de terre

Je te choisis dernier lopin.

 

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Nos photos disent aussi de nous quelque chose…

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De la majesté du bleu…

Il n’y a pas que les mots pour s’exprimer. A travers ce que nous décidons de regarder, de garder, de transmettre, de visiter voire d’explorer, d’aimer ou de détester, d’oublier ou de garder en souvenir, notre corps s’exprime, notre âme respire. Nous sommes faits, aussi,  de ces images, de ces voyages intimes, qui renferment tout en les exposant, les contours de notre intériorité.

 

 

 

 

 

 

 

Jusqu’où le chemin ?

« -Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir

– L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir. »

Verlaine

 

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Jusqu’où le chemin ?

L’incertitude alourdit ta marche, écorne ta confiance. Chaque pas pèse davantage quand il suffirait de ne penser qu’à respirer. Oublie l’impatience à connaître de quoi demain sera fait. Nul besoin de compter tes pas ou de métrer ce qu’il te reste à parcourir.

L’anticipation est un leurre qui ne peut que saisir ce qui n’existe pas encore, ce qui peut-être n’existera jamais.

Insouciance… rime si bien avec enfance.

Hier encore tes pensées ne freinaient nullement ta marche, elles tenaient moins de place que ces trésors amassés dans tes poches d’enfant.

Le mystère pointe du doigt l’irrésolu resserré sur lui-même. Commencement, déroulement, finitude.  Et puis il y a ce que tu ne peux voir… l’éternité est partout ! En dedans et au dehors, en deçà et au-delà, c’est ta pensée qui la limite au temps de ton existence. Il faut mettre de l’au-delà dans tout : au-delà des mots, au-delà des peurs, au-delà du réel.

Il fait si beau, ne pense pas à ne pas penser, c’est déjà une pensée. Accepte ce que d’avance tu as validé, ce drôle de contrat aux lignes si petites et si enchevêtrées qu’on les nomme lignes de vie.