À partir du vide
Le plein est terre promise
Tout est comblement
À partir du vide
Le plein est terre promise
Tout est comblement
D’où venait-il exactement ?
Elle ne l’avait enfanté
Ni en son sein ni en pensée
Ni dans ces heures les plus sombres
Celles qui étalent leurs ombres
Longtemps après le jour passé.
Cette âme ne pouvait venir
Que d’un passé sans avenir
Une porte sur le néant
Qui traversait tel un présent
Inébranlable et impavide
Survolant l’insondable vide.
Elle ne se souvient plus quand
Cela devait être son heure
Cette descente sur son cœur
Ce baume oint sur les tourments
Ce beau cadeau, cet essentiel
L’inespéré venait du ciel.
La nuit bleutée
La nuit heurtée
Dans son sommeil
Château de verre
Solstice d’hiver
Le lune éclaire
Orange amère
Sur les prés verts
Un air frappé
Gagne le bois
Un chien aboie
Dans le lointain
Puis au matin
Givre et rosée
Entrelacés
Tels des amants
Épris de fièvre.
Quand tout nous est donné nous ne possédons rien
Nous finirons passeurs à défaut de gardiens
Le brin d’herbe reçoit humblement la lumière
La même fait danser l’Esprit de la rivière
Le réel se construit de toutes nos images
Autant que de ces cieux où courent les nuages
Soyons humbles il est bon d’accepter la magie
Le mystère s’écrit à la sève de vie
Nous sommes les petits de ce qui nous dépasse
Nous apprenons autant de la rose au matin
Que de l’oiseau chanteur entamant son quatrain.
J’ai dû froisser souvent ta belle intelligence
Pardonne à ta maman ce délire de souffrance
Quand le cœur est blessé le cerveau ne répond
Pas toujours en trouvant les mots de la raison.
J’ai si souvent perdu de ces instants précieux
Quand le compte à rebours je lisais dans tes yeux
Alors j’anticipais le terrible avenir
Faisais fuir le présent en présumant le pire.
Accepter ? Impossible ! Se remettre en questions ?
Admettre de compter sur mes doigts tes saisons
Je suis restée maman jusqu’au bout jusqu’au pire
Et ma peur recouvrait tes grands éclats de rire.
Vivre l’instant présent je n’ai pas su le faire
Si le temps permettait un retour en arrière
Je ferais de ta vie une orgie de lumière
De tes derniers instants une paix printanière.
Dépasserais mes peurs et mettrais du bonheur
Dans mes yeux, dans mon cœur, pour que jamais la peur
N’attriste tes derniers printemps sur cette terre
Et que la joie te garde du frimas de l’hiver.
Ce dernier regard
N’est pas celui de la fleur
Qui se ferme
Au crépuscule du soir
Mais le grand ouvert
Qui retient et emporte
Avec lui
Dans l’ultime
Le mystère
De l’antienne des jours
Et trace son empreinte
Au parchemin
Phrasé du silence
Laissant pour seule trace
Un parfum de vie.
Le temps s’écoulera sans le poids des années
Et toutes les saisons auront un goût d’été
Je lirai votre prose et vous direz mes vers
Nous vivrons au pays de Beuve et de Flaubert.
La joie, sève du cœur, coulera dans nos veines
Nos corps seront plus forts, nos têtes plus sereines
De nouvelles douceurs inconnues à nos lèvres
Un miel aux mille fleurs pour apaiser nos fièvres.
À nos jardins secrets aux communes fragrances
Ces parfums émanés de mêmes espérances
À nos demains rêvés, nos aujourd’huis vécus
Paradis retrouvés d’une enfance perdue.
Nos pas soulèveront autres réminiscences
Ces impressions vécues qui fleurent à la conscience
Les gens diront de nous devant cette harmonie
– Ces âmes ont dû s’aimer, ailleurs, dans d’autres vies !
Tout de bleu recouvert
Sous lavis d’aquarelle
Le jour offre ses lèvres
Au baiser de la nuit
Dans l’unique couleur
Les formes se dispersent
Font corps avec le silence
La campagne indistincte
Se noie au camaïeu
Et l’horizon ressemble
À une mer immense
Jusqu’à l’air traversé
Par le dessein obscur
De la non-existence
Du jour qui se défait
Capuchonnée d’écume
Une vague voyage
Secourue d’innocence
Dans le bleu qui s’abîme
La vie semble en suspens
Quand seul le bleu subsiste
Au bain qui s’extasie
À l’encre du désir.
En équilibre sur deux mondes
Un presque rien qui vagabonde
Imperceptible comme un souffle
Une petite âme s’essouffle
Dans l’ombre déjà de l’été
À l’équinoxe de sa beauté
Du bleu au vert, du cyan au rose
Au ciel c’est la métamorphose
Le corps passe du chaud au froid
Lorsqu’il déserte son beffroi
De tour d’ivoire en voie lactée
Ta voix ne m’a jamais quittée.
L’écriture peut être une nécessité. Un besoin comme celui de nourrir son corps, se vêtir, respirer. Cette écriture-là n’a rien de romanesque, elle n’a pas vocation à devenir un conte ni un roman, non plus pour objet de faire jolie, d’être musicale ou poétique. Elle s’invite pour cristalliser ce pan de notre être que nous pourrions perdre définitivement, si nous ne colmations pas les deux mondes qui viennent de se séparer, celui de l’avant et celui de l’après.
Et puis il y a eu ce glissement…
De la nécessité à l’envie…
Ce fut un fléchissement plus qu’une inclinaison, un enroulement en douceur vers quelque chose d’autre, pas forcément plus positif ou meilleur car non nécessaire, mais certainement plus gai, nouveau et non appréhendé. Une mise en place sans ordre émis par une volonté, de fait inconsciente, puisque ne faisant aucune vague à la surface, pareil au temps qui passe, et qui laisse sa griffe définitive, au coin des yeux, lentement, de manière si détournée que l’on n’a rien vu venir.
De l’envie à la création…
« Le besoin de créer est dans l’âme comme le besoin de manger dans le corps. » Gaston Bachelard
C’est peut-être là toute la différence entre le besoin vital, mal dégrossi parce que nécessaire, et le choix d’une écriture choisie, réfléchie. Parfois cela donne de drôles de bébés. Accoucher de la vie à partir de rien n’est pas la même chose que mettre au monde dans un désir de création ; le premier est une urgence, un sauve-qui-peut et certainement une erreur de le formuler sous forme de poésie. Le rocher brut au pied de la falaise, usé par le ressac d’une mer agitée, érodé par le temps, ne deviendra jamais la pierre taillée en facettes qui captent la lumière.
Si on a la chance de passer de la nécessité à l’envie, on est presque sauvé. On peut regarder à nouveau hors et non être celui qui garde le regard tourné en dedans. Ouvrir toutes les fenêtres et les portes de la maison. Laisser le soleil en franchir le seuil. Il y a une feuille, un crayon, prêts à saisir quelques rayons pour aller vers une autre direction, une autre dimension.
De la création au plaisir…
Quand créer devient plaisir il n’y a plus d’obstacles, d’étapes, qui ne soient infranchissables.
Il arrive même que l’écriture réinvente son sujet à partir de sa propre cristallisation.