» L’île était un bon endroit pour mourir. Je l’ai su dès que nous étions arrivés. Mary voulait voir les tombeaux en haut des collines, de simples monticules ronds pareils à des taupinières. Un après-midi, nous avons été environnés de corbeaux. Par milliers, ils tournoyaient dans le ciel blanc, puis ils s’abattaient sur le cimetière. Mary les regardait avec une fascination horrifiée. «Ce sont les âmes des morts sans sépulture», a-t-elle dit. J’ai essayé de lui expliquer qu’ils avaient choisi cet endroit pour être tranquilles, mais elle ne m’écoutait pas. Elle parlait des injustifiés, tous ceux, toutes celles qui avaient été abusés, détruits. Elle était attirée par la mort. Était-ce elle, ou moi, qui avait choisi le refuge de cette île? »
JMG Le Clézio, Tempête
On me dit que les cimetières sont vides. Que tu n’y es pas. Qu’il n’y a plus rien de toi sous cette pierre. On me dit que les corps ne sont rien après la mort, que seul l’esprit compte…
Et pourtant…
Ceux qui ont aimé, vraiment, ne serait-ce qu’une seule fois, comprendront.
Ce rapprochement physique, sans la parole, le toucher ou la vue, passe la barrière des possibles, tel un agrandissement du cœur dont l’ampleur, dans sa ferveur, rejoindrait un autre cœur. Il y a une présence tout autre que celle de l’esprit, qui habite les corps et ne s’explique pas, pas plus que ne s’explique l’intime conviction d’une chose que l’on sait être vraie sans encore la connaître.
Le corps n’est pas un manteau usagé, une dépouille sans mémoire, contenu qu’il est, jusque dans ses cendres, dans la dénommée âme.
Si tu es partout, tu es là aussi où j’ai besoin de venir pour que mon être soit entier, corps esprit et âme, qu’il s’apaise sans avoir à en comprendre le pourquoi.
Demain, dimanche, Simone Veil et son mari rejoindront d’autres personnalités illustres au Panthéon.
La France leur assure un repos éternel, digne et mérité. Et cela est juste et bien .
Mais ne serions-nous pas tous égaux dans la mort, quand dans les cimetières tant de tombes sont relevées chaque jour ?