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« L’intuition artistique ressemble en effet aux hallucinations hypnagogiques par son caractère de fugacité- ça vous passe devant les yeux-, c’est alors qu’il faut se jeter dessus, avidement. »
Gustave Flaubert.
J’aime à prolonger ce moment entre veille et sommeil, ce passage hypnotique particulier à l’endormissement. Dans cet espace, conscient et inconscient semblent se jauger dans un aller-retour, chacun rivalisant d’images, de souvenirs, d’idées jamais explorées, parfois de phrases entières ou de simples et douces rêveries. Il arrive, dans cet état, que poèmes ou textes s’ébauchent sous mes yeux.
Cet état de conscience modifié pourrait ressembler à de la méditation, sauf que le méditant est acteur quand il incite sa pensée à ne pas penser alors que dans l’état hypnagogique le sujet est spectateur.
Toutes ces informations venant de l’intérieur sont autant de voyages intimes au labyrinthe de la mémoire. Mais « qui » donne l’information au cerveau pour que tel ou tel neurone s’illumine plutôt qu’un autre à ce moment précis ? Peut-être un super neurone qui superviserait le disque dur où s’engrangent tous les souvenirs…
Là, j’imagine, j’irai même jusqu’à extrapoler, que « tout » ce que nous avons vécu serait enregistré dans cet îlot nommé mémoire. Que de ce « tout » remonterait aléatoirement tel ou tel souvenir, au gré du hasard, d’une probabilité, ou sous la dépendance de multiples causes.
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à ceux que je ne comptais pas hier soir…
J’étais donc dans cet état hypnagogique, à la porte du sommeil, et bien que j’avais orienté mon esprit vers de beaux souvenirs espérant qu’ils me suivent dans les bras de Morphée, quand deux images très nettes s’imposèrent à ma rêverie.
Je connaissais ces photos pour les avoir vues, enfant, chez ma grand-mère. Les deux représentaient mon père. Sur l’une il devait avoir quatre ans: il posait debout, les bras réunis derrière le dos, dans un petit costume de marin.
L’autre avait été certainement prise le jour de sa communion puisqu’il portait son bel habit de communiant, un missel serré contre lui.
Une main me montrait ces photos, main que je reconnaissais pour être celle de ma grand-mère sans toutefois avoir besoin de discerner le reste du corps.
C’est seulement ce matin que j’ai fait le rapprochement pour l’une des photos. Mon souvenir enfoui avait trouvé un support pour s’exprimer… l’image dans un film que j’avais visionné dans la soirée avant de m’endormir : le père avait fait confectionner pour son fils un costume de marin à culotte courte, taille adulte.