Quand l’éphémère Virginie
Et les jasmins auront fleuri
Dahlias, Asters, Roses trémières
Foudre du ciel sur leurs crinières
Je me dirai:
Quoi que l’on fasse
Passe
Le temps.
Quand l’éphémère Virginie
Et les jasmins auront fleuri
Dahlias, Asters, Roses trémières
Foudre du ciel sur leurs crinières
Je me dirai:
Quoi que l’on fasse
Passe
Le temps.
Le temps frappe à ma porte. il est arrivé comme ça, un jour d’hiver, sans avoir été invité.
Je l’avais abandonné, laissé en d’autres mains, autres matins ; il était devenu trop pesant. Besoin d’oublis, de retrouver l’insouciante jeunesse quand le temps ne compte pas, qu’il est si loin qu’on peut à peine le distinguer.
Pourquoi donc faudrait-il s’encombrer du temps et de tout ce qu’il traîne avec lui comme ennuis, regrets, souvenirs, instants présents « pas du tout stables », vous en conviendrez, et peut-être le pire de tout, peur de l’avenir, de la maladie, de la souffrance, de la mort. Son leitmotive étant par définition de passer, pour d’ un jour à l’autre nous laisser choir à la grande porte de l’infini, du sans temps.
Donc, je l’avais abandonné…
À ma décharge, je n’avais pas avorté du temps, non, non, je souhaitais juste l’oublier, fermer le robinet temps, le laisser à sa propre marche, dans son couffin peau d’âges. Quel meilleur parent que l’infini pour le temps m’étais-je dit alors? Il saura le bercer, le ralentir ou encore l’accélérer selon ses besoins de croissance.
Pour que personne ne me voit faire cette action, somme toute pas très courageuse, j’étais allée très loin pour déposer mon temps emmailloté dans son lange déjà bien usagé.
Parfois, je le voyais me chercher de loin, à certaines dates, comme celles des anniversaires, des fêtes sur les calendriers ou aux changements de saisons, il en venait à avoir presque son mouvement perpétuel. Il fallait casser la mécanique du temps! Tout me le rappelait. Il n’est pas aussi aisé, qu’on pourrait le croire de prime abord, de se débarrasser du temps. Les fleurs qui se ferment la nuit pour s’ouvrir de nouveau au matin me parlaient de lui ; si j’allais à la mer, c’est la marée qui me le versifiait de son rythme impeccable. Tout me disait le temps!
Penser qu’il pouvait m’oublier ou glisser sur moi était pure utopie.
Et voilà qu’il frappe à ma porte! Il a même griffé ma joue, lui laissant sa marque. J’ai ri, j’ai pleuré, et ça avait l’air de l’enchanter. Et plus je riais et pleurais et plus il investissait mes joues, le contour de mes yeux. Au début, il chercha à revenir de façon légère, presque de manière insidieuse, histoire de se faire bien voir, de gagner du terrain. Il se présenta donc simple visiteur, pour finalement s’installer, en conquérant de ma maison et de la peau de mon visage. Parfois, je le renvoyais d’un revers de main. Il y eut comme cela pas mal d’aller et retour. Le temps c’est un boomerang, quand tu le lances au loin, il te revient toujours.
Je le trouvais d’ailleurs assez vicieux quand il prenait des moyens détournés pour se rappeler à moi. Quoi de plus facile au temps que de vous renvoyer votre image, de manière assez sournoise au demeurant, en se glissant dans le figé d’une photo, le reflet d’un miroir ; il me narguait, même si je lui montrais mon meilleur profil !
Ainsi donc, le temps nous rattrape toujours, quoi que nous fassions, nous ne pouvons l’abandonner pas plus qu’il ne nous abandonne. il est le gardien de nos jours et son horloge bat pendant toute la durée de notre vie, dans une indéfectible union.
Quelques haïkus sur le temps :
Remonter le temps
Cette impuissance à le faire
Me coupe les jambes.
Âme inconsolable
Immarcescible semence
Le temps sans emprise.
Le temps nous devance
Complexe et mystérieux
Et nos vies le suivent.
Le temps perd son temps
Là où l’homme gesticule
Le désert avance.
Paroles enlisées
Dans un désert de silence
Aux portes du temps.
Au moment où le corps glisse le long des berges
D’un destin fabuleux, mystérieux et vierge
Et que brille très haut la lune dans la nuit
Vous venez, tel un Dieu, habiter mon esprit.
Une douce moiteur échappée au réel
Floute ma conscience entre veille et sommeil
Si vous le voulez bien, restez pour le voyage
Nous collectionnerons nos plus belles images.
Le songe est au présent nous voici transportés
Dans l’ivresse et la joie d’un pays enchanté
Mais très vite vos lèvres empreintes de pâleur
Ne peuvent murmurer les mots doux à mon cœur.
La lune a vernissé le tableau qui m’est cher
Tout semble statufié, vos yeux…une illusion?
Votre bouche, vos mains, votre front haut et fier
Sont au rêve la fleur de l’imagination.
Le soleil et la pluie
Les rires et les larmes
Tout ce qui chante vie
Bouge, fait du vacarme
L’été en résilience
Tire sa révérence
Entre dans le silence.
La plage est désertée
La vague se retire
Une respiration
Retient de la saison
Un soleil qui chavire
Tel un petit navire
Perdu à l’horizon.
Avant que sous nos pieds
Les chemins de campagne
De feuilles tavelées
Remplacent les galets
Et que les bruns nous gagnent
À l’ombre des regards
Tout mordoré de fards
Septembre s’abandonne
Et que flambe l’automne.
Nous sommes en 2016, il y a dix ans j’écrivais…
(Version édulcorée)
Trois jours que tu es parti et voilà que je recherche déjà le son de ta voix, le dernier regard échangé.
Ne rien oublier…ne rien oublier, et surtout ne rien transformer.
Le temps habille nos souvenirs, insidieusement, avec d’autres couleurs. Je veux photographier avec mes mots, sur le papier, les moments partagés, ceux des jours de l’avant, mais aussi ceux de l’après, de la solitude de l’après.
Pour que cela fasse moins mal, je me dis que tu es parti en voyage, que je te reverrai, que tu vas me téléphoner pour me rassurer.
Le manque est d’emblée tout puissant. L’absence est un puits sans fond.
Te voilà mort et te voilà devenu, par ce fait, l’incarnation de tous les âges de ta vie.
J’avais déjà ressenti cela pendant la maladie sans pouvoir me l’expliquer, l’analyser. L’espace-temps qui se contracte quand les moments sont trop « extraordinaires » pour être supportés dans notre réalité.
Un bel hommage, une belle cérémonie, des parents debout, ta petite sœur ; et toi si beau, mais en photo dans un cadre acheté à la va-vite pour la cérémonie. Tu souris discrètement à la plus horrible journée de notre vie.
Je viens de réaliser d’un coup ce que je ne comprenais pas : la dignité des parents face à la pire épreuve, le courage comme dernier hommage à l’enfant, car pour l’heure ce qui me fait tenir debout c’est bien l’idée de ne pas te décevoir, d’être à la hauteur.
Je compte les anniversaires, chaque jour est anniversaire ,un jour, deux jours… trois jours, le temps s’est arrêté.
Déjà je me souviens…
Le médecin est venu constater…. Il a fermé la porte derrière lui et nous sommes restés, toi, moi, lui. Tu avais un léger sourire, de ceux que tu prenais lors d’une rencontre importante ou d’un événement particulier. J’ai fermé l’un de tes yeux resté entr’ouvert, c’était l’œil opposé à celui qui nous avait salué à ta naissance.
Je n’arrive pas à pleurer. Je n’ai plus peur du bruit de la sirène des ambulances.
Septembre 2006.
Dans cet espace qui sépare l’écriture de la pensée à la main, se glisse quelque chose de nous que nous ne savons pas:
Un parfum, une couleur, une aube, un crépuscule, une brume, une clarté, une ombre, un cri, un silence, une joie, un chagrin, une caresse, un battement, une peur, un soupir, un chant, une espérance, un mystère…
Ce quelque chose de nous, caché dans l’indicible voyage, de la pensée à la main.
Dix ans que le soleil se lève et se couche chaque jour. Cette phrase n’aurait aucun sens si elle n’était suivie d’un : sans toi ! le « sans toi », vois-tu, fait toute la différence.
Ce petit miracle de la nature qui n’interpelle pas en temps ordinaire, mais ô combien quand la vie s’échappe pour nous faire basculer dans un autre monde.
Ce rythme, d’un infini renouvelé sans cesse, pareil et pourtant jamais à l’identique, c’est un peu de ton éternité qui pénètre notre quotidien. Dans les premiers jours on s’en trouve même révolté, on voudrait que tout autour s’arrête quand le temps lui-même ne nous appartient plus, passant du bouton pause à celui de ralenti.
Tout est première fois. Les mots perdus dans l’avant n’arrivent plus au bord des lèvres.
Tout est à réapprendre : bouger, parler, écrire, jusqu’à perdre l’imagination qui ne peut tenir, aussi fructifère soit-elle, d’une terre désormais totalement inconnue.
Il faudrait donc trouver les mots justes, comme ceux volés à l’enfance, qui s’échapperaient doucement d’une insouciance réactivée. Des mots qui parlent à tous justement car jamais appris. Des mots imagés, coloriés sur le bord d’une table, tels ces beaux dessins d’enfants faits un jour de dimanche pluvieux ; avec le soleil tout rayonnant, en haut à droite de la feuille, qui éclabousse jusqu’au chemin en passant le toit de la maison.
On peut donc, à la minute où la vie s’échappe, perdre jusqu’au souvenir de l’insouciance, de celle qui dépasse rarement l’enfance, ivre de légèreté, celle que l’on croyait à jamais transmise d’un cœur à un autre le jour de la naissance.
Car rien ne nous fait plus grandir d’un coup que la venue d’un enfant, que cette insouciance perdue dans une joie inégalée.
Dix ans…une goutte de temps dans une éternité.
Dix ans que le soleil se lève et se couche chaque jour… mais avec toi, le grand soleil qui répare la nuit.
Poème:
Quand je me suis perdue, quand ta main dans ma main
Ne me réchauffait plus, je ne voyais plus rien
Pourtant j’avais semé des perles, des cailloux
Pour ne manquer aucun précieux rendez-vous.
J’ai regardé hier n’ayant plus de demain
J’ai regardé derrière mais déjà le chemin
Était allé bon train et sans m’en avertir
Avait enchevêtré mes plus doux souvenirs.
Et voilà qu’aujourd’hui dix années ont passé
On me dit que la vie vaut bien cette nuitée
Quand moi je donnerais pour un jour pour une heure
T’avoir à mes côtés dix années de bonheur.
Puisque tout continue le temps n’efface rien
Ciel et terre aujourd’hui ne font qu’une demeure
Et si tu es partout c’est surtout en mon cœur
Que fleurissent les fleurs des graines du chagrin.
Accroche ton rêve
Qu’il éclaire aussi ton jour
Efface les ombres.
# Haiku
Ivre d’absence
Effacer jusqu’à l’ombre
Qui suit le souvenir
Et ce silence
Voile d’infini
Qui danse, qui danse…
Debout, derrière sa fenêtre, elle attend ! Mais au fait, elle attend quoi ? À vrai dire, elle n’avait fait que cela de toute sa vie, attendre. Qui, quoi, quel, lequel, et pourquoi ? Était-ce une chose, un être, la projection d’un rêve, son double ? Quel sauveur viendrait l’arracher à cette fenêtre, ou lui donner l’envie de l’ouvrir pour que l’air pénètre son intérieur. Serait-ce un père, un fils, un amour, un ami, un Dieu peut-être ? Tout était prétexte à la sclérose. De l’autre côté, la vie défilait ; celle qui chante, qui vibre, qui prend tout : les orages, les crachins, les pluies qui fouettent les visages, l’eau qui inonde les plaines et celle qui les nourrit, et les gouttes qui s’accrochent aux carreaux en glissant tels des remords. Elle pouvait voir ainsi toutes les pluies, mais aussi tous les soleils, ceux des douceurs et ceux des morsures. Elle aurait aimé, pourtant, que le vent disperse la nostalgie embuée derrière la vitre en laissant échapper quelques trilles de ses silences.
La vie était hors, dehors, mais pas en elle. Peut-être, en désespoir de cause, casser la vitre ? Pour y voir plus clair ? Mais alors quoi faire de tous ces débris qui joncheraient le sol. Il n’y aurait pas seulement des éclats de verre à terre ; il y aurait des souvenirs, des rires, ceux qui partagés dans un mimétisme font danser la lumière, des espérances, des solitudes, des joies et des chagrins. À vouloir quitter cette vie de derrière la fenêtre ne prenait-elle pas le risque de tout perdre, jusque cette vie même qui lui semblait être si peu…
Remettre à demain. Le soir tombe déjà, bientôt elle ne verra plus au dehors. Les rêves rempliront tout l’espace. Demain peut-être un vent doux comme un sourire viendrait non pas la délivrer, mais lui donner la force de se projeter dans le temps du réel et de danser avec lui.