Ce qui manque et n’arrivera jamais

 

 » C’est ce qui me manque ~
pas quelque chose qui a disparu
mais quelque chose qui n’arrivera jamais ~ « 

Margaret Atwood

L’attente de quelque chose qui n’arrivera jamais…
Comme une brume de mer dansante sur l’horizon. Une condensation qui ne peut se saisir que par le regard.
Entre un point et un autre se nourrit l’attente.
Comme un appel secret, un cri, une sonorité venue buter sur les parois de l’irréel, et qui reviendrait à son destinataire dans un écho démultiplié. L’écho du manque…
Jamais assouvi ce porteur de rêves, cet un, deux, trois, soleil, qui ne gagne jamais son ciel.
Toujours à la semaison le bras tendu vers la récolte imaginaire.
Toujours et jamais, jamais et toujours, ces mots- là ne se lassent pas de se faire la cour.
Lequel est l’objet de l’autre… est-ce le lanceur ou la balle qui rebondit sur le mur pour revenir dans la main du jongleur ?

Tu ne m’attraperas pas dit la chose qui n’arrivera jamais. Et c’est heureux, car je suis celle qui te donne l’illusion d’un but.

 

 

 

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L’estran est déserté.

Josette Hersent - Poésies et Photos ©

OLYMPUS DIGITAL CAMERAL’estran est déserté

De ses amours de sable

Figé dans l’ineffable

L’esprit est vagabond

Il erre hors la saison

Les voyez-vous passer

Ces âmes du passé

Ces frêles libellules

Bleuies de crépuscules

L’espace d’un instant

Un arrêt près du banc

Avant que l’océan

Et le ciel se fondent

Au seuil d’un nouveau monde

Le cœur est à l’étale

Tangente d’horizon

Sur la nuit qui s’étale

L’été a ses passions

L’automne ses raisons

Sont les amours d’été

Et l’estran déserté.

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 » Devenir soi-même avant de mourir »

 

« J’avais de la peine, de la vraie, pour une fois, pour tout le monde, pour moi, pour elle, pour tous les hommes. C’est peut-être cela qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. »

Louis-Ferdinand Céline


 » Devenir soi-même avant de mourir »

 

Et pourquoi d’ailleurs avant de mourir ?

Faut-il attendre les aléas de la vie, les coups du sort, les événements traumatisants, malheureux, pour entamer la traversée de l’ombre, tenter de voir plus loin que le moi, sonder sa propre image, ne pas se perdre dans son reflet.

Se mettre en retrait du moi, c’est déjà se rapprocher du soi.

Qui suis-je ?
Moi et tous ces autres que je transporte et qui se pressent au portillon de l’identité.

Venir à en explorer la conscience, la purifier de tous ces artéfacts accumulés.

Ne pas faire de sa vie un acte manqué, ni un lapsus révélateur.

Certainement, la grande souffrance fait le ménage.
La rechercher certainement pas.

Et après ?

Touchons-nous pour cela au soi ? Cette entité mystérieuse qui se tient au-delà de ce que la personne peut capter d’elle-même, qui constitue l’essence même de l’être.

Être au plus près de notre nature profonde à chaque étape de la vie, plus simplement être vrai, sincère, envers soi et les autres, cela fait-il de nous une personne au plus près du soi ?

Pas sûr que la souffrance, le plus grand chagrin et l’approche de la mort le permettent davantage.

La vie est un mouvement qui nous oblige.

 

 

 

 

 

Ophélie Arthur Rimbaud

Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
– On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile :
– Un chant mystérieux tombe des astres d’or.

II

Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
– C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté ;

C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits ;

C’est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
– Et l’Infini terrible effara ton oeil bleu !

III

– Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

Laisse venir…

 

 

Laisse venir
Sans rien retenir
Ni freiner
Les vagues se forment loin du rivage
Et l’océan écume houle et colère
Sans honte.

Abandonne
Le superflu
Laisse l’esprit
Être dirigé
Comme le ferait
Ta main
Involontairement
À la façon de l’écriture
Dite automatique.


Ils traînent leur honte
Tels les fantômes leurs chaînes
Sans trouver repos

#haïku

 » Ma blessure appelle son joyeux contraire  » Alexandre Jollien

 

 » Ma blessure appelle son joyeux contraire « 

Alexandre Jollien

Telle la graine transportée par l’oiseau se développe sur le sol qui l’accueille, accepter de se laisser traverser, pénétrer par la joie.

Orage ou arc-en-ciel ?
Y aurait-il une équité par alternance, une comptabilité céleste qui nous dépasse et nous oblige ?
Les plus belles choses nous arriveraient-elles pour atténuer les tristesses à venir ?
Et les chagrins nous rendraient-ils la joie plus intense ?

Écrire sur la joie, la nommer n’est-ce pas déjà la convoquer ? lui permettre une existence, lui donner la possibilité d’être hôte en notre demeure.

Tout le corps peut l’appeler sans que l’esprit n’en soit encore conscient.
La joie peut prendre alors des chemins de traverse. Se cacher sous le visage de la douceur, de la beauté, de l’amitié ou de l’amour.
S’il fallait trouver une correspondance à la joie, une résonance, ce serait peut-être une fugue de Bach, un tableau de Renoir ou de Matisse.

Et si j’essayais de la dessiner, j’en ferais une grande dame à la chevelure pailletée d’or.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Apparition Stéphane Mallarmé

La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
— C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au coeur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.

Stéphane Mallarmé.